172 LES BALLONS.
monsieur, sans une espéce de jalousie que je le vis re-
monter à une hauteur de 1,400 à 1,500 pieds. La montgol-
fiére, aprés avoir parcouru un espace d'environ 600 toises,
sans éprouver d'inelinaison sensible, descendit lentement
à neuf heures quatre minutes, au delà du village d’Inières,
à une distance de plus de 7,000 toises du lieu de notre
départ. Cuand elle eut touché terre, elle se releva de
2 ou 5 pieds, et redescendit bientót. M. Louchet s'élanca
hors de la galerie; et, saisissant en méme temps une des
cordes, il eut beaucoup de peine à retenir la machine, qui
faisait de nouveaux efforts pour s'échapper. Il se trouva
seul pendant quelques minutes. Enfin parurent plusieurs
paysans qui n'osaient approcher. Il leur cria, en un jargon
qui n'était ni francais ni patois, de venir à son secours;
mais il était à leurs yeux un vrai magicien, qu'un monstre
énorme, soumis et docile à sa voix, portait à travers les
airs. Il leur fallut du temps pour se résoudre à manier les
cordes pendantes au globe : ils semblaient craindre que,
s'ils y touchaient, le monstre ne les dévorát. Huit ou neuf
minutes aprés la descente de M. Louchet. j'arrivai presque
hors d'haleine, et je le félicitai en souriant d’avoir si bien
choisi le lieu de débarquement. La machine était dans le
méme état qu'avant notre départ. Nous voulümes d'abord
la laisser se vider d'elle-méme ; mais, comme trente-six
minutes après, elle n'était encore affaissée que d’un tiers ;
comme d'ailleurs le vent la fatiguait et que nous étions
exposés à un soleil trés-chaud, nous la désenflâmes à
force de bras; et, aprés l'avoir pliée, nous la mimes sur
une charrette courte et étroite, traînée par deux bœufs. »