282 LE BOMBARDIER FRANÇOIS,
autres corps combuftibles, ne fe reduifent en flamme & en charbon,
qu’autant qu’ils contiennent de parties bytumineufes tirées de la terre,
L’on convient encore qu’il y a un fel mélé generalement dans toutes
les matieres, & c’eft ce qui paroit dans la plûpart des corps qui font
naturellement falez, principalement la terre , puifqu’on ne peut douter
qu’elle ne communique de fon fel aux plantes & autres végétaux. -
Ce {el eft fixe ou volatil ; le fel fixe n’a par lui-même aucun mou-
vement, & par confequent ne peut en communiquer aux autres corps
avec lefquels 11 fe trouve mélé , au contraire 1l eft un obftacle à l’ac-
tion des matieres inflammables : le fel volatil eft bien different de
celui-ci , car comme il eft compofé de parties très déliées qui con-
tiennent beaucoup d’air fubtil, quand ce fel eft uni avec l'huile des
mixtes, il la rend bien plus facile à enflammer , qu’elle ne feroit fi
elle en étoit privée ; & quoique ce {el ne foit point inflammable , it
a la proprieté de détacher & d’exhaler les parties fulfureufes pour les
rendre plus fufceptibles de mouvement & d’inflammation ; car l’air
qu’il contient venant à {e rarefier, l’action de la chaleur débande fon
reflort , écarte de toutes parts les parties qui le retenoient , qui vont
comme de petits dards détacher les parties groffieres qui réfiftoient
au mouvement , & celles de l’huile fe trouvant ainfi débarraflées , fe
remuent avec beaucoup d'activité. Ces principes une fois pofez, ils
vont nous fervir à expliquer la nature du foufre, du falpêtre & du
charbon.‘ —
Le falpêtre qui paroit fi merveilleux , n’eft autre chofe qu’un fl
mêlé de beaucoup d’air fubtil : cependant la plûpart des gens en ont
une idéé bien différente, ils penfent que c’eft une matiere inflamma-
ble qui a quelque qualité extraordinaire qu’on ne peut bien concevoir ;
& je fuis bien für que perfonne n’en a jamais vû brûler, car le falpêtre
n’étant qu’un fel, ne peut-être combuftible. Mais pourquoi, dira-t-on,
quand on en jette dans le feu , paroît-il une grande flamme s'élever
fubitement , fi le falpêtre n’étoit inflammable cela n’arriveroit pas?
En effet comme il femble s’enflammer , 11 paroît que ce que je viens
de dire ne foit pas jufte: cependant fi l’on y prenoit Dien garde, Pon
verroit que cette flamme ne provient point du falpêtre, mais bien des
charbons ardens fur lefquels on le jette, parce que dans le moment le
falpêtre met en action les parties fulfureufes du charbon qui ne pou-
voient s’exhaler, faute d’être aflez agitées; & cela eft fi vrai , que fi
au lieu de le jetter fur le charbon, on le foûtient au milieu d’une grande
flamme, bien loin de fe réduire en feu, on n’y appercevra pas la moindre
étin=