290 LE BOMBARDIER FRANÇOIS.
la violence dont il eft capable, fi les corps environnans ne cedoient
que dans le dernier inftant de l’inflammation totale. Mais comme 1
n’eft guéres poflible que cela arrive, ceci fait bien fentir le défaut des
armes à feu qui font trop courtes, fur-tout du canon : car, comme
fuivant nôtre principe, la poudre qui s’enflamme dans les derniers inf-
tans, eft en bien plus grande quantité que celle qui agit au commence-
ment, l’on voit qu’il s’en faut bien qu’un boulet ni une balle reçoive
toute l’impulfion de la poudre, & ce feroit même beaucoup s’ils en
recevoient la moitié. Il eft vrai qu’on peut diminuer la longueur des
fufils & des piftolets, en leur donnant la même proprieté qu’aux cara-
bines, c’eft-à-dire, en faifant enforte que la balle trouvant beaucoup
de réfiftance à fortir à caufe des cannelures , reçoive autant d’impul-
fion que fi elle avoit parcouru un canon plus long, mais qui ne fût
pas cannelé. Quant aux pieces d’Artillerie, on peut y faire des cham-
bres fpheriques, où la poudre étant plus ramaflée , s’enflamme en bien
moins de tems qu’elle ne fait dans les chambres cylindriques. Mais ce
moyen ne peut guéres avoir lieu que pour les mortiers, car pour le
canon les chambres fpheriques feroient fujettes à des inconveniens,
qui feront que felon toute apparence on s’en tiendra à l’ancien ufage
qui a bien fon merite, dans la proportion que l’on donnoit autrefois
à la longueur des pieces, qui femble avoir été déterminée fuivant des
regles de Geometrie; & l’on auroit quelque fujet de douter , fi dans
le changement qu’on y a fait dans ces derniers tems, on a fuivi un
meilleur parti. En parlant du canon, il faut convenir qu’on a eu des
idées bien extraordinaires fur la figure que devoit avoir la chambre
pour produire un plus grand effet : y a-t-il rien , par exemple, de plus
mal imaginé que celles qu’on appelle coniques, parce qu’elles vont en
fe retreciffant vers la culaffe comme un cone tronqué ? Si on a cru
par là augmenter la portée, on s’eft bien trompé ; car par tout ce que
nous avons dit jufqu’ici, une même quantité de poudre ne peut faire
beaucoup d’effet, qu’autant qu’elle mettra de tems à s’enflammer; &
pour cela il faut, autant qu’il eft poffible, introduire le feu au centré
de la charge, afin qu’il fe communique à la ronde, pour enflammer
la poudre de toutes parts en même tems, ce qui ne peut arriver dans
la chambre conique, comme on le va voir.
Si l’on a un cylindre & un cone, ou fi Pon aime mieux, un cone
tronqué, compofé d’une égale quantité de poudre, & dont les bafes
font auffi égales, mettant le feu d’une part au fommet du cone, & de
l’autre au centre du cercle fuperieur du cylindre , le cylindre fera bien
p:u-