Full text: Le Bombardier François, Ou Nouvelle Méthode De Jetter Les Bombes Avec Précision

292 LE BOMBARDIER FRANÇOIS, 
les magafins du Roi , celles d’un même tonneau chaffent le globe dont 
on fe fert, plus loin une fois que l’autre, puifque l’air peut changer 
confidérablement du jour au lendemain, & même du matin au (oir 
I] faudroit donc , pour s’affütrer fi ces differentes portées viennent na- 
turellement de la poudre, prendre garde fi le Barometre ou le Ther- 
mometre n’ont point changé de degré. 
Il femblera peut-être que ce n’eft point affez d’avoir connu l’origi- 
ne des differens accidens qui arrivent à la poudre, & que le tout eft 
d’y apporter des corrections : c’eft aufli l’objet que je me propofe, & 
cela ne me paroît pas impoflible. C’eft déja un grand point de con= 
noître de quelle part viennent ces difficultez, le travail & le tems don- 
nent enfuite le moyen de les furmonter : mais pour cela il faut rai- 
fonner, fans quoi les chofes les plus fimples font aufli éloignées de 
nos connoiflances, la derniere fois qu’on les confidere que la premie- 
re, & on les voit toujours par la même face. 
Comme il doit fans doute arriver les mêmes effets dans le canon, 
que dans le mortier, il femble que c’eft à tort que l’on croit que plus 
une piece de canon eft échauffée par le grand nombre de coups que 
l’on tire de fuite, & plus les boulets doivent aller loin ; puifque , com- 
me j’en ai fait l’expérience, le premier coup au contraire va le plus 
loin de tous ceux que l’on tire enfuite : car, quand un canon a été 
quelque tems fans tirer, l’air qui eft contenu dans l’ame, eft à peu 
près comme celui que nous refpirons, il doit être même un peu plus 
condenfé, parce qu’il n’eft pas fi dilaté que celui qui reçoit les im- 
preffions du foleil : ainfi quand on charge la piece dans cet état, le 
boulet va à une certaine diftance, mais quand on tire, le feu n’eft pas 
plutôt à la poudre, que l’air qui eft entre la culaffe & le boulet, fe 
rarefie, & chaffe la bourre & le boulet qui pouflent devant eux l'air 
naturel qui eft depuis le fecond bouchon jufqu’à la bouche; & auffi- 
tôt que le boulet eft forti, l’air qui a été chaffé rentre dans la piece par 
la bouche & la lumiere, mais non pas en fi grande quantité qu’aupa- 
ravant; car celui qui eft refté dans la piece immédiatement après le 
coup, a été extrémement dilaté, &fe maintiendra d’autant plus long- 
tems en cet état, que la piece féra plus échauffée par un plus grand 
nombre de coups réïterez. Or cet air dilaté fait effort contre celui qui 
veut rentrer ; ainfi quand on tire incontinent après un autre coup, 
il arrive que l’air qui eft mêlé avec la poudre dans la chambre , n’efk 
pas à beaucoup près fi condenfé qu’auparavant, & a donc par confe- 
quent moins de force élaftique, & en aura toujours d’autant moins 
que
	        
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