Introduction.
[1 serait impossible, dans un simple rapport, de donner une idée
de ce qu'est l'exposition des Beaux-Arts à Vienne, et je crois inutile de
le tenter. Les mérites actuels d’une branche spéciale de l'industrie
peuvent être appréciés presqu'à coup sûr; on peut constater ses progrès
pendant les dernières années ainsi que ses résultats immédiats. Mais
il en est tout autrement, une fois qu’on aborde le domaine des Beaux-
Arts. Le champ est si vaste qu'on ne saurait l’embrasser du regard, et
le guide le mieux exercé peut s’égarer aisément au milieu des innom-
brables difficultés qu'il rencontre sur sa route, lorsqu'il veut le par-
courir.
Je me bornerai donc à essayer d'établir un parallèle entre les
mérites de l'Art suisse et ceux de l’art étranger, tels qu’ils se présentent
à l'exposition de Vienne. Une, circulaire de Monsieur le Commissaire
général a, en effet, recommandé aux divers membres suisses du jury de
s'attacher dans leurs rapports à établir un parallèle de ce genre, chacun
pour la branche qui le concerne.
Mais la tâche, ainsi restreinte, ne vous laisse pas moins devant
de très-grandes difficultés. Une question d'art ne peut pas se résoudre
d’une manière précise et, en quelque sorte, mathématique, comme une
question industrielle. C’est bien moins à l’aide de la raison que par le
sentiment qu'il faut juger les œuvres artistiques et les jugements à
rendre peuvent varier beaucoup suivant les personnes chargées d’appré-
cier. Ce que j’exprimerai donc dans le présent rapport est une impres-
sion personnelle et ne peut nullement être considéré comme ayant une
valeur absolue.
Je viens de donner à entendre que j'éviterai d'entrer dans des
considérations générales sur l’art et sur son développement actuel. Quel-
ques mots sur le mouvement artistique moderne me semblent cependant
indispensables comme introduction à ce qui doit suivre.
Après la grande époque de la Renaissance, l’art dégénéra. Pendant
le siècle de Louis XIV et sous l'influence dominante en Europe de la
cour de ce souverain, l’art tomba peu à peu dans le faux et le maniéré.
Les plus grands talents ne surent pas échapper à cette influence qui
dura jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Ce n’est pas à dire que pendant
cette époque il ne se soit pas produit de grandes et belles œuvres artis-