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1. INTRODUCTION
Depuis plusieurs années, l'érosion des sols tend à devenir un problème préoccupant (Robert 1992), y compris
dans des régions de grandes cultures du nord de 1' Europe , et ceci malgré un relief modéré et des pluies de
faible intensité (Boiffin et Monnier 1986, Auzet 1987, De Ploey 1990, Dickinson et al. 1990). Les méfaits sur
l'agriculture sont encore relativement limités, mais on enregistre d'une part des pertes en terre déjà irréversibles
et surtout des dégâts chroniques en aval, sous la forme soit d'inondations boueuses dans des zones bâties, soit
d'atterrissements sur les réseaux de la voierie. De Ploey a ainsi estimé à au moins 25 millions d'hectares les
terrains agricoles européens touchés par l'érosion et un coût annuel total dépassant les 10 Milliards de francs
français pour réparer ou se prémunir de ces dégâts.
Accompagnant ou précédant localement des mesures concrètes pour modifier les pratiques culturales,
les recherches ont permis progressivement de préciser le concept d'érodabilité dans ces sols limoneux (Brvan et
al. 1989) et plusieurs modèles déterministes de ruissellement et d'érosion ont été proposés ou sont en cours de
définition à l'échelle de versants ou de bassins versants élémentaires (Wischmeier et Smith 1978, Boiffin et
Monnier 1986, Morgan et al. 1990, King et Le Frisso nnais 1992, de Roo 1993). Grâce à ces modèles et aux
techniques de SIG on peut espérer formaliser la compréhension des mécanismes et établir des pronostics sur
l'apparition de l'érosion. Mais les modèles souffrent d'un manque de données d'entrée pour passer à des
approches plus spatialisées.
Deux raisons expliquent que la télédétection soit déjà empiriquement utilisée dans certaines
approches cartographiques de l'érosion (Pickup et al.1984, Dubucq 1986, Cihlar et al 1987): les mécanismes
mis en jeu sont essentiellement d'ordre physique et, dans la pratique, laissent une empreinte en surface de la
terre. Par contre, l'apport de cette technique dans les méthodes de spatialisation et d'extrapolation des modèles
d'érosion n'a encore que peu été exploré (Hellden et Olsson 1986, Bocco et Valenzuela 1988, Cyr et al. 1991,
Kin g et Delpont 1993, Mondey et Benkelman 1993) alors qu'un certain nombre de signes d'érosion ou de
conditions favorables au déclenchement de l'érosion peuvent être détectables, ( Perras et al. 1988, King 1993
(tableau 1), Escadafal 1994, Arrouays et al. 1994). Cette étude a pour but de contribuer à l'évaluation de cet
apport de la télédétection.
Tableau 1 : Adéquation entre signes d'érosion et spécifications d'instrument de télédétection
nature du signe
d'érosion recherché
Dimension du signe
d'érosion
Caractéristique nécessaire
pour la détection
Incisions linéaires
1D
résolution spatiale
Etats de surfaces
(imperméabilisation, croûtes,
absence de Matière organique,
troncatures,décapage...)
2D
résolution spectrale
protection par la Végétation
(présence-absence
peuplements, strates...)
2D
résolution spectrale
Pente et morphologie
3D
stéréoeoopie
Changements d'états
de surface
4D
séries multi-temporelles
Rappelons que, quelque soit le milieu étudié, un préalable essentiel à la mise en oeuvre de la
télédétection est l'identification du ou des signes qui, en surface des sols, seront détectables et pertinents pour
alimenter un modèle d'érosion. C'est pourquoi le présent travail spécifie brièvement les mécanismes propres
aux sols limoneux du Nord de la France, puis décrit les étapes identifiées pour préparer l'étape de spatialisation
d'un modèle d’érosion grâce à la télédétection dans ce contexte régional: (i) les possibilités actuelles de SPOT
pour fournir un ou des paramètres pertinents du calcul d'un modèle déterministe d’érosion des sols et la
méthode y afférant, (ii) les possibilités à attendre des données ERS1 pour compléter cette approche, enfin (iii)
la faisabilité d'une approche régionale utilisant la télédétection comme une des sources d'alimentation d'un
modèle probabiliste des risques d'érosion.