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Nous disposons par ailleurs d'une analyse rétrospective de l'évolution spatiale des
défrichements et de la mise en monoculture de ces sols, obtenue par interprétation de successions de missions
photographiques aériennes et par enquêtes de terrain (Arrouays et al, 1994). Il est ainsi possible de renseigner
chaque point analysé par une période de défrichement. Considérons l'étendue des écarts entre valeurs prédites
sur des données satellitaires de 1984 et les valeurs mesurées en 1992 : elle est présentée ci-après en fonction
de cette période de défrichement (Fig. 8). On constate que la variabilité est d'autant plus grande que la date de
défrichement est récente et que les parcelles de défrichements les plus récents ont leur taux surestimé par le
modèle issu de l'image de 1984. Ceci est totalement cohérent avec ce que l’on connaît de la variabilité
temporelle induite par la décroissance de la matière organique, (Fig. 7).
Ecarts à la régression et classes d’âge
de défrichement
Valeur moyenne
moy +/- écart-type
Figure 8
Ce décalage temporel doit probablement contribuer à affaiblir la variance expliquée par le
modèle prédictif proposé. Il existe également d'autres sources de variation que nous n'avons pas pu
appréhender : humidité du sol, variabilité de l'état structural de surface.
5. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Le milieu étudié présente deux atouts majeurs pour tester le potentiel de la télédétection à apprécier
quantitativement un constituant du sol :
- de morphologie très plane, il permet de s'abstraire des effets directionnels
- la variabilité majeure exprimée à la surface du sol dépend du taux de matière organique.
Dans ces conditions, nous avons pu établir un modèle prédictif robuste, mais non explicatif
et de performances limitées. L'adjonction de bandes spectrales MIR dans les réponses spectrales analysées
permet donc d'envisager une approche cartographique. Compte tenu du décalage temporel, cette approche
mériterait d'être confirmée en utilisant des données satellitaires de 1992.
Le débouché concret et opérationnel de ce type d'étude est bien évidemment le passage à
l'approche cartographique pour proposer une carte d'estimation des taux de matière organique. Dans ce
milieu, une telle carte constitue une donnée d'entrée pour un modèle de prévision des risques de dégradation
des sols. Nous l'avons construite par application directe du modèle sur l'ensemble des données satellitaires de
sols nus.
Cette carte peut être comparée à une approche cartographique beaucoup plus déterministe du
même phénomène, fondée sur des données indépendantes (Arrouays et al, 1994), mais plus difficilement
accessibles : parcellaire, historique des défrichements, modèle temporel de dégradation de la matière
organique. On constate une grande similitude dans l'extension des zones à faibles taux de matière organique,
présentant ainsi les plus forts risques de dégradation physique (Fig. 9 et 10).
Ce résultat satisfaisant suggère que la télédétection peut constituer un outil d'extrapolation
cartographique de modèles de répartition de la matière organique préalablement établis. Ces bilans pourraient
ainsi constituer une source de données d'entrée spatialisées pour des simulations prospectives de l'évolution
régionale des statuts organiques des sols.