414 LES INSTRUMENTS, LES MÉTHODES ET LE DESSIN TOPOGRAPHIQUES.
giner le charme et la précision des projets de Le Nôtre com
portant des vues pittoresques dessinées et souvent même
peintes avec un talent qui enthousiasmait le Roi ( ' ).
Les dessins, on pourrait dire les tableaux de Le Nôtre
(qui avait été l’élève de Simon Vouet en même temps que
Lebrun), rendaient mieux compte des aspects futurs des jar
dins que les plans les plus détaillés et les plus parfaits que
l’habile homme savait d’ailleurs dresser mieux que personne.
Le Roi examinait tout, mais il s’arrêtait avec plus de com
plaisance aux paysages pour l’agrément qu’ils lui procuraient
par avance. Ce goût très avouable pour les effets naturels
expliquerait, au besoin, la composition du Cabinet topogra
phique de Louis XIV et les œuvres artistiques qui s’y exécu
taient, si nous ne savions pas que la Topographie pittoresque,
pendant si longtemps en honneur, ne paraissait pas encore
devoir être abandonnée entièrement, sous prétexte d’exacti
tude géométrique. Il ne faudrait pas oublier d’ailleurs que le
Grand Roi était loin de dédaigner le côté scientifique; nous
venons de rappeler qu’il avait fondé l’Observatoire dans le
double but d’encourager l’Astronomie et la Géodésie, et les
traditions de l’illustre Picard devaient se perpétuer là aussi
bien qu’à l’Académie des Sciences. Le projet d’une Carte de
France appuyée à une vaste triangulation était déjà conçu,
bien qu’il ne dut être réalisé que plus tard ( 2 ). Mais la topo
graphie des détails dont l’utilité est immédiate et à laquelle il
faut toujours revenir, en définitive, n’intéressait pas moins le
monarque et il avait eu dès lors la grande satisfaction de la
voir entre les mains les plus habiles. Il eut été bien à souhaiter
que la distinction ainsi établie entre les savants et les artistes
se fût maintenue.
• (’) On raconte que, pour l’un de ces projets, à mesure que Le Nôtre lui
en montrait les détails merveilleusement rendus, Louis XIV l’avait inter
rompu trois fois en s’écriant: « Mon ami, je vous donne 3o ooo livres pour
celui-là, » et qu’à la troisième fois le brave jardinier s’était arrêté en mena
çant Sa Majesté de ne pas lui faire voir le reste, « ne voulant pas la ruiner ».
( a ) La Carte de Cassini, dont il sera question plus loin, s’était d’abord
appelée Carte de l’Académie, parce que c’était, en effet, à l’Académie qu’on
avait songé à l’entreprendre, comme on y avait songé à mesurer des degrés
du méridien à des latitudes différentes pour déterminer la figure de la Terre.