LES NOMBRES
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jourd’hui, mais il nous fait bien connaître letat d’esprit des
savants grecs à qui il est donné de contempler pour la première
fois le monde merveilleux des nombres. Monde non pas fictif, mais
véritable, car les nombres, essences éternelles, ont une réalité plus
profonde que les objets éphémères perçus par nos sens. Nous ne
construisons pas, comme on pourrait croire, les theoiemcs de
l'arithmétique : nous les voyons grâce à une mystérieuse faculté
de divination que nous trouvons en nous et que les philosophes
appellent « intuition intellectuelle ».
Tel était le point de vue de Platon, tel était plus anciennement,
celui des P\ thagoriciens qui furent, à proprement parler, les fonda
teurs de la science rationnelle ( 1 ),
Certes il n’est pas douteux que l’art du calcul avait déjà atteint
en Orient un haut degré de perfection lorsque les Grecs commen
cèrent à s’y appliquer méthodiquement (au vu 0 ou au vi c siècle
av. J.-G.). Des témoignages précis en font foi, dont quelques uns
remontent à une époque fort reculée ; tel le Manuel d’AInnes (-),
où nous est révélée la science égyptienne d’il y a quatre mille ans;
telles aussi, peut être, certaines inscriptions babyloniennes qu’on
nous dit être du xxv° siècle avant Père chrétienne. Mais, quelles
que fussent ses ressources, la science des Egyptiens et des Baby
loniens n’était en somme qu’un recueil de règles et d’artifices se
rapportant à des problèmes pratiques : c’est pourquoi Platon refu-
( 4 ) Cf. Le Rationnel (1898) et les autres ouvrages de M. G. Mii.haud.
( 2 ) Ce manuel a été publié et traduit (d’après le Papyrus Rhind du
Musée Britannique) par Eisenlohr : Ein mathematisch.es Handhuch.der
alien Ægypten, Leipzig, 1877. On suppose qu’il a été écrit, entre 2000
et 1700 av. J.-C., pour des architectes, des ingénieurs et des arpenteurs.
L’auteur, Ahmes, se borne à énoncer des règles de calcul qui donnent la
solution des problèmes concrets les plus usuels : « règle pour calculer
un fruitier rond », « règle pour calculer un champ », problèmes de par
tage, calcul du rendement en pain de certains volumes de farine,
calcul de la nourriture absorbée par les oies et les bœufs. Cependant
l’analyse de ces diverses règles nous donne une idée approximative des
connaissances théoriques du calculateur égyptien. Il sait en quoi consistent
les quatre opérations quoiqu’il ne paraisse pas très expert dans la pra
tique de la multiplication et surtout de la division ; il manie des fractions
de numérateur 1 ; il connaît les progressions ; il résout mêmes certaines
équations du premier degré dont les coefficients sont des nombres entiers
ou des fractions [aide Deux. Lia.). En somme Ahmes connaît, de l’Ari
thmétique, ce qui est indispensable pour la pratique du calcul ; la
science spéculative et désintéressée lui est étrangère.