l’édifice géométrique et la démonstration
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4. — L’édifice géométrique et la démonstration
222. — Nous avons dit (166) que, pour un entendement
parfait et dont la puissance de compréhension serait infinie, la
science ne se déroulerait pas, comme pour nous, en une longue
file de théorèmes. Du point de vue de la raison, à qui le temps
est indifférent, il n’est point vrai qu’une proposition en précède
ou en justifie une autre ; toutes sont également primitives et évi
dentes par elles-mêmes. Mais la science humaine, imparfaite par
nature, ne peut saisir que l’une après l’autre, et au prix de longs
et laborieux détours, les propriétés des figures géométriques ;
« on rapporte, écrit Proclus (‘), que Ptolémée demanda un jour à
Euclide s’il n’y avait pas pour la géométrie de route plus courte
que celle des Eléments ; il eut celte réponse : Il n’y a pas en
géométrie de chemin fait pour les rois a.
Le chemin frayé par les géomètres grecs, quelque roturier qu’il
soit, n’en est pas moins une des plus belles créations de l’humanité.
Les Grecs ont eu de bonne heure le goût de la dialectique. For
tifié par les sophistes, ce goût se répandit chez les géomètres de
l’Académie, contemporains ou continuateurs de Platon. Les di
verses formes de raisonnements mathématiques furent subtilement
distinguées, classées, disséquées, et d’interminables discussions
s’engagèrent sur des questions de méthode ou de terminologie.
223. Théorèmes et problèmes. — « Déjà ( 2 ) parmi les an
ciens, dit Proclus, les uns, comme Speusippe et Amphinome,
proposaient de tout appeler théorème, pensant que ce terme con
vient mieux que celui de problème aux sciences théorétiques
(contemplatives) et surtout traitant des choses éternelles ; car, pour
de telles choses, il n’y a pas de génération; il n’y a donc pas de
place pour le problème où il s’agit d’engendrer et de faire quel
que chose comme si elle n’était pas auparavant : par exemple,
construire un triangle équilatéral, décrire un carré sur une droite
( J ) Cf. P. Tannery, La géométrie grecque, p. 69.
( 2 ) Voir P. Tannery, loc.cit., p. 187. Speusippe était neveu de Platon.
Amphinome n’est en tout cas pas antérieur à Aristote.