L ÉTUDE GRAPHIQUE DES FONCTIONS d’üNE VARIABLE 52 I
leur rapport devait nécessairement paraître un peu suspecte aux
mathématiciens du xtiT siècle qui n’étaient pas comme nous
habitués a raisonner sur des quantités infiniment petites. Toutes
les difficultés, disparaissaient, par contre, si l’on donnait^ ce rap
port un sens géométrique précis parle moyen du triangle carac
téristique (554). Tel fut le point de départ de Leibniz, et c’est
là ce qui lui valut d’être considéré, au xvm e siècle, comme le père
de la théorie des dérivées *) ; le succès de sa méthode ( 2 ) lient
(*) Vide, p. 3g6 et 4oo, notes.
( 2 ) Dans une lettre adressée à Tschirnhaus (5 décembre 1679; ap
Biefwechsel mit Mathematikern, éd. Gerhardt, p. /¡07 sqq.', Leibniz
explique comment il fut conduit à sa « méthode du triangle caractéris
tique ». Il a lu les traités géométriques de Pascal — dont il a particu
lièrement subi l’influence —et y a trouvé, à propos dun problème spécial,
l’idée première, non développée il est vrai, du triangle caractéiistique.
Poursuivant ses études et scs réflexions il étudia la géométrie carté
sienne : « cœpi quærerc modum exprimendi loca [lieux géométriques,
ride, n° 24r seu curvas per calculum, et tum primum intellexi ea quæ
Cartesius scribit. Nam antea solebam calculare meo more, adhibitis non
litteris sed nominibus linearum. Tum primum igitur Cartesium et Scho-
tenium attente legi, hortante Hugenio qui mihi dicebat modum calcu
landi ab ipsis adhibitum esse commodiorem. Ego interea, aperto semel
characteristici trianguli aditu, facillime innumera theoremata invenie
bam quibus plurimas tunc chartas adimplevi ; sed pleraque postea reperi
etiam Heuratio, Gregorio et Barrovio innotuisse ». Effectivement, van
Heuraet, puis Gregory dans sa Geometriæ pars universalis (1668) et
surtout Barrow, dans ses Lectiones Geometricæ (1669-70', avaient traité
de nombreuses questions, que nous résolvons aujourd’hui à l’aide des
dérivées, et qui se ramenaient alors à la détermination géométrique des
tangentes à une courbe donnée. Newton (à l’instigation duquel Barrow
dit avoir rédigé la partie de son livre qui traite spécialement du pro
blème des tangentes) partit de là pour fonder sa méthode générale des
fluxions ou dérivées.
Plus de trente ans auparavant, Fermât avait proposé une méthode
algébrique pour la résolution du problème des tangentes, méthode à
laquelle Leibniz et Newton ne font que rarement allusion dans leurs
premiers écrits, mais où l’on trouve cependant la conception très nette
de la dérivée et du triangle caractéristique. Celte méthode est indiquée
dans un petit écrit, Methodus ad disquirendam maximam et minimam,
qui fut communiqué à Descartes par Mersenne en janvier i618 : il s agit
tout d’abord de déterminer d’une manière générale la ou les valeurs
de la variable indépendante qui rendent une fonction maxima ou mi
nima [voir le n° 556] ; la recherche des tangentes (De tangentibus curva
rum linearum) se présente comme une application de ce problème général.
Descartes, trop absorbé dans l’applicalion de scs propres méthodes, ne