CVIII. - 10 AOUT 16G0.
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infiniment, surtout quand elles sont jointes aux talents qui se trouvent
singulièrement en vous. Tout cela m’oblige à vous témoigner de ma
main ma reconnoissance pour l’offre que vous me faites, quelque
peine que j’aie encore d’écrire et de lire moi-même; mais l’honneur
que vous me faites m’est si cher que je ue puis trop me hâter d’y
répondre.
Je vous dirai donc, Monsieur, que si j’étois en santé, je serois volé à
Toulouse et que je n’aurois pas souffert qu’un homme comme vous
eût fait un pas pour un homme comme moi. Je vous dirai aussi que,
quoique vous soyez celui de Unité l’Europe que je tiens pour le plus
grand géomètre, ce ne seroit pas cette qualité-là qui m’auroit attiré,
mais que je me figure tant d’esprit et d’honnêteté en votre conversa
tion que c’est pour cela que je vous rechercherois.
Car, pour vous parler franchement de la Géométrie, je la trouve le
plus haut exercice de l’esprit : mais en même temps je la commis pour
si inutile que je fais peu de différence entre un homme qui n’est que
géomètre et un habile artisan. Aussi je l’appelle le plus beau métier
du monde, mais enfin ce n’est qu’un métier, et j’ai dit souvent qu’elle
est bonne pour faire l’essai, mais non pas l’emploi de notre force.
De sorte que je ne ferois pas deux pas pour la Géométrie et je m’as
sure que vous êtes fort de mon humeur. Mais il y a maintenant ceci de
plus en moi que je suis dans des études si éloignées de cet esprit-là
qu’à peine me souviens-je qu’il y en ait. Je m’y étois mis, il y a un an
ou deux, par une raison tout à fait singulière, à laquelle ayant satis
fait, je suis au hasard de ue jamais plus y penser.
Outre que ma santé n’est pas encore assez forte, car je suis si foible
que je ne puis marcher sans bâton ni me tenir à cheval, je ne puis
même faire que trois ou quatre lieues au plus eu carrosse. C’est ainsi
que je suis venu de Paris ici en vingt-deux jours. Les médecins m’or-
donnent les eaux de Bourbon pour le mois de septembre, et je suis
engagé, autant que je puis l’être, depuis deux mois d’aller de là en
Poitou par eau jusqu’à Saumur, pour demeurer jusqu’à Noël avec
M. le duc de Roannès, gouverneur de Poitou, qui a pour moi des