CXII. - 1 JANVIER 1662.
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et la difficulté du calcul, qui, dans la résolution du problème dont je
vous parlai dans ma lettre et que je vous témoignois n’être pas des plus
aisés, présente d’abord quatre lignes par leurs racines quarrées et
engage par conséquent en des asymmétries qui aboutissent à une très
grande longueur.
Je me suis défait du premier obstacle par la connoissance que j’ai
qu’il y a infinies proportions, différentes de la véritable, qui approchent
d’elle si insensiblement qu’elles peuvent tromper les plus habiles et
les plus exacts observateurs. Ainsi n’y ayant que le second obstacle à
vaincre, je m’étois résolu très souvent d’employer la bien-aimée (*)
Géométrie (c’est ainsi que Plutarque l’appelle) pour vous satisfaire et
pour me satisfaire moi-même. Mais l’appréhension de trouver, après une
longue et pénible opération, quelque proportion irrégulière et fan
tasque, et la pente naturelle que j’ai vers la paresse, ont laissé la
chose en cet état, jusqu’à la dernière semonce que M. le Président
[de J Miremont vient de me faire de votre part, que je prends pour une
loi plus forte que ni mon appréhension ni ma paresse : si bien que je
me suis résolu de vous obéir sans autre retardement.
5. J’ai donc procédé sans remise en vertu de l’obédience, comme
parlent les moines, à l’exécution de vos ordres, et j’ai fait l’entière
analyse en forme, dans laquelle le désir passionné que j’ai eu de vous
satisfaire m’a inspiré une route qui a abrégé la moitié de mon travail
et qui a réduit les quatre asymmétries que j’avois eu en vue la pre
mière fois à deux tant seulement, ce qui m’a notablement soulagé.
Mais le prix de mon travail a été le plus extraordinaire, le plus
imprévu et le plus heureux qui fut jamais. Car, après avoir couru par
toutes les équations, multiplications, antithèses et autres opérations de
ma méthode, et avoir enfin conclu le problème que vous verrez dans
nn feuillet séparé ( 2 ), j’ai trouvé que mon principe donnoit justement
(*) Plutarque, Marcellus, xiv, 5 : Tijv yàp àya::a)[ji8vr,v tocûtt\v. ...
En fait, il s’agit dans ce passage, relatif à Archimède, do Mécanique, non de Géométrie.
( 2 ) Voir Y Analysis ad refractiones, t. I, p. 170 et suiv.