ŒUVRES DE FERMAT. - CORRESPONDANCE.
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tien, que le mouvement de la lumière trouve plus de résistance dans
l’air que dans l’eau, et moi supposant tout le contraire, comme vous
verrez dans la copie de ma démonstration, que j’ai tâché de refaire de
mémoire pour vous satisfaire pleinement, mon original ayant été en
voyé à M. de la Chambre, suivant ma paresse ordinaire.
Je refis donc pour lors la question à diverses reprises, en changeant
les positions, et je trouvai toujours la même conclusion, ce qui me
confirma deux choses : l’une, que l’opinion de M. Descartes sur la pro
portion des réfractions est très véritable; et l’autre, que sa démonstra
tion est très fautive et pleine de paralogismes.
Messieurs les Cartésiens virent ensuite ma démonstration, qui leur
fut communiquée par M. de la Chambre; ils s’opiniâtrèrent d’abord à
la rejeter et, quoique je leur représentasse tout doucement : qu’il leur
devoit suffire que le champ de bataille demeurât à M. Descartes, puis
que son opinion se trouvoit véritable et confirmée, quoique par des
raisons différentes des siennes; que les plus fameux conquérants ne
s’estimoient guère moins heureux, lorsque la victoire leur étoit pro
curée par les troupes auxiliaires, que si c’étoit par les leurs; ils ne
voulurent point, dans les premiers mouvements, entendre raillerie : ils
vouloicnt que ma démonstration fût fautive, puisqu’elle ne pouvait
pas subsister, sans détruire celle de M. Descartes, qu’ils entendoient
mettre toujours hors du pair. Mais, comme les plus habiles géomètres
qui virent la mienne sembloient y donner leur approbation, ils me
firent enfin compliment par une lettre de M. Clerselier, qui est celui
qui a procuré l’impression des lettres de M. Descartes. Ils crièrent an
miracle de quoi une même vérité s’étoiR rencontrée au bout de deux
chemins entièrement opposés et prononcèrent qu’ils vouloient bien
laisser la chose indécise et avouer qu’ils ne savoient à qui donner la
préférence, de M. Descartes ou de moi, sur ce sujet et que la postérité
en jugeroit.
C’est à vous, Monsieur, qui êtes sans doute destiné par votre mérite
extraordinaire à avoir grand commerce avec elle, à l’informer, si vous
le jugez à propos, de ce célèbre démêlé ou, si vous aimez mieux placer