1. Nécessité d’une explication précise.
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d’une ligne par une équation entre les coordonnées sans jamais dire
expressément quelle définition on adopte pour le mot „ligne“ 6 ). La
même lacune existe dans les traités d’analyse.*
Cependant, depuis un petit nombre d’années, le souci de la rigueur
logique a amené une révision approfondie des principes de la géométrie.
Dans l’article III 1 de l’Encyclopédie, F. Fnriques indique les résultats
obtenus dans cette voie; il suffit de rappeller ici les noms de M. Posch,
G. Feano, I). Hilbert, F. ScJiur, H. Poincaré'. La conclusion qui rallie le
plus grand nombre consiste à n’admettre comme notions fondamentales
que celles de point, de ligne droite et de plan, en les considérant comme
résultant par abstraction de l’observation directe, et à exiger dès lors
pour toutes les autres notions géométriques une explication conforme
aux règles de la logique. Il en est ou il doit en être notamment ainsi
pour les notions de ligne et de surface. La chose est d’autant plus néces
saire qu’on peut prendre ces mots dans une acception plus ou moins
large et que certains théorèmes de géométrie ne sont vrais que si le
sens des mots ligne et surface est suffisamment étroit 7 ). Si l’on voulait,
d’ailleurs, considérer les notions de ligne et de surface comme résultant
de l’observation, on se heurterait infailliblement dans certains cas,
suivant F. Emiques, à des difficultés; car si l’on rencontrait une ligne
définie par un procédé purement mathématique, géométrique ou ana
lytique, on ne pourrait éviter de voir se poser la question suivante: dans
quelle mesure y a-t-il identité entre les données de l’observation et
les conséquences qui découlent de l’explication mathématique.
+ I1 n’est pas douteux que, de même qu’il existe une mécanique
rationnelle et une mécanique appliquée, il y a aussi une géométrie
rationnelle et une géométrie appliquée. La première choisit ses postulats
comme elle le veut et les développe par les ressources de la raison.
On a le droit de ranger parmi ces postulats l’existence de la ligne
en lui attribuant telle ou telle propriété. Mais alors une difficulté se
présentera quand on voudra démontrer qu’une droite, un cercle, sont
des lignes.*
+ Quant à la géométrie appliquée qui n’est pas en cause ici, elle
impose seulement à la géométrie rationnelle de ne pas choisir ses
postulats de façon trop arbitraire, en sorte que les résultats de celle-ci
soient immédiatement utilisables en pratique. Par exemple, elle exige
6) *Yoir par exemple, Ch. A. A. Briot et J. C. Bouquet, Leçons de géométrie
analytique, (16 e éd.) revue et annotée par P. Appell, Paris 1897, p. 5.*
7) On trouve déjà dans Ch. Dupin [Développements de géométrie, Paris
1813, p. 59] l’indication à la fois de la nécessité d’une explication du mot
„surface“ et des difficultés que cette explication soulève.