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III 1. F. Enriques. Principes de la géométrie. Introduction.
Et maintenant, quel usage devra-t-on faire de cette liberté, qui
logiquement demeure entière, de choisir à son gré les postulats?
La réponse à cette question relève de la philosophie de la science,
bien pins que de la science elle-même, puisque la question ne peut
être résolue qu’en portant un jugement sur la valeur relative de
plusieurs choix et non sur la légitimité de tel ou tel choix.
En fait, quelques écoles géométriques récentes entendent profiter
le plus largement possible de cette liberté. Telle l’école de G. Pcano
dont les recherches se rapportent à des questions d’ordre logique
formel; telle aussi l’école actuelle de B. Hilbert qui, quoique pour
suivant surtout un but essentiellement mathématique, tend vers une
abstraction de plus en plus grande et s’écarte, par suite, de plus en
plus des données fournies par l’intuition.
Dans cet ordre d’idées, il y a lieu de rappeler que les conditions
d’une rigueur formelle ont pu, dans la plupart des cas, être exprimés
par les signes de la logique mathématique. Ce système de signes
dont il sera question dans le tome YIII de l’Encyclopédie a été l’ob
jet des recherches de plusieurs mathématiciens parmi lesquels nous
citerons ici G. W. Leibniz, G. Peacoclc, A. de Morgan, G. Boole,
H. Grassmann, W. R. Hamilton, Ch. Peirce, E. Schröder, G. Peano,
G. Erege et B. A. W. Russell.
Le symbolisme de la logique mathématique qui, depuis 1889, est
devenu pour G. Peano un système de représentation mathématique,
permet de constater, sous une forme sensible, la nécessité de l’intro
duction de concepts primitifs. Chacun de ces concepts s’introduit
sous la forme d’un nouveau signe qui le représente.
Ce même symbolisme conduit aussi à une critique approfondie de
la simplicité et de l’indépendance des postulats et des concepts primitifs,
ainsi qu’à une critique approfondie de la compatibilité des postulats.
,,si une phrase contient un seul mot dont la signification nous est inconnue,
l’énoncé de cette phrase pourra suffire à nous en révéler la valeur. *Si, par
exemple, on dit à quelqu’un qui connaît bien les mots triangle et quadrilatère
mais qui n’a jamais entendu prononcer le mot diagonale, que chacune des deux
diagonales d’un quadrilatère le divise en deux triangles, il concevra sur le
champ ce que c’est qu’une diagonale et le concevra d’autant mieux que c’est ici
la seule ligne qui puisse diviser le quadrilatère en triangles.* Ces sortes de
phrases qui donnent ainsi l’intelligence de l’un des mots dont elles se composent,
au moyen de la signification connue des autres, pourraient être appelées dé
finitions implicites, par opposition aux définitions ordinaires qu’on appellerait
définitions explicites. ... On conçoit aussi que ,.. deux phrases qui contiennent
deux mots nouveaux, combinés avec des mots connus, peuvent souvent en dé
terminer le sens.“