10 in 1. E. Enriques. Principes de la géométrie. Introduction.
Pour démontrer qu’une proposition a est indépendante d’un
système de propositions b, c, . . . il suffit évidemment d’établir que la
proposition contraire à a est compatible avec le système b, c, .. .
On est ainsi amené à rechercher les conditions de compatibilité
d’un certain nombre de postulats.
Pour cela on a recouru d’abord à l’interprétation analytique. On
admet comme évident, ou comme déjà établi, que les théorèmes de
l’arithmétique sont compatibles entre eux.
+ Cela posé, étant donné un système d’hypothèses géométriques, on
cherche à traduire ces hypothèses sous forme analytique [on s’est d’ail
leurs toujours borné à des hypothèses permettant l’usage des coordonnées].
On obtient ainsi des relations arithmétiques, et de leur compatibilité,
si elle a lieu, on déduit celle des hypothèses géométriques envisagées.*
Cette façon de procéder peut d’ailleurs être encore interprétée
autrement:
Les nombres dont nous admettons à l’avance l’existence logique
nous conduisent à la construction d’ensembles (ou de variétés) que
l’on conçoit comme des espaces abstraits. Le fait de pouvoir définir
analytiquement un tel espace abstrait nous assure que les propositions
fondamentales, exprimant les propriétés de cet espace, sont logiquement
compatibles, puisque toute incompatibilité entre elles entraînerait des
conséquences absurdes pour le développement de l’arithmétique.
Il suffit de modifier quelque peu cette dernière idée pour parvenir
au procédé plus général que voici:
On admet comme établie à l’avance la possibilité d’une certaine
géométrie, par exemple la possibilité de la géométrie euclidienne;
cela posé, on cherche à interpréter tout système de géométrie donné
comme un système de relations entre certaines figures de cet espace.
Cette interprétation, si l’on y parvient, nous assure que le système
en question est fondé sur des postulats compatibles, car toute con
tradiction existant entre eux se retrouverait comme contradiction dans
le développement de la géométrie euclidienne.
+ On peut d’ailleurs appliquer le même procédé en prenant comme
point de départ n’importe quel système de concepts auxquels se
rapportent des postulats que nous savons compatibles entre eux.
Néanmoins la démonstration logique ainsi établie a toujours un ca
ractère relatif.*
Si l’on se préoccupe de la légitimité de la thèse sur laquelle
repose cette façon de procéder, on est amené à se poser une suite
de questions qui, au fond, sont du domaine de la théorie de la
connaissance plutôt que du domaine des mathématiques. Il serait sur-