36 Til 1. F. Enriques. Questions d’ordre élémentaire.
Notre concept de continuité renferme à la fois le postulat
d’Archimède et ce qu’il faut lui adjoindre pour qu’effectiyement à tout
nombre réel corresponde un segment mesuré par ce nombre. Il ren
ferme ainsi un énoncé positif d’existence que les Grecs ne semblent
pas avoir connu: quelques sophismes célèbres, comme celui d’Achille
et de la tortue, paraissent le prouver.
Ce n’est pas que les Grecs n’aient utilisé la représentation du
continu. Tout ce qui, dans cette représentation, leur était néces
saire se retrouve implicitement dans les „Eléments“ d’Euclide: ainsi
les faits essentiels touchant l’intersection des cercles et des droites
y sont admis et les constructions basées sur ces faits sont pour
Euclide l’unique façon de prouver Г existence des figures 135 ).
A notre point de vue moderne, le postulat de la continuité des
droites (et, par suite, celui de la continuité de l’espace) apparaît
quand on cherche à représenter géométriquement tous les nombres
réels et c’est sur ce fondement que repose pour nous la géométrie
analytique.
Dans ses cours professés à l’Université de Berlin, K. Weierstrass 136 )
a déjà formulé ce postulat; G. Cantor 187 ) et IL Dedekind 188 ) l’ont
énoncé différemment,
Postulat de continuité de Cantor. Ce postulat s’exprime géomé
triquement de la manière suivante:
S’il y a sur un segment rectiligne О Ж deux suites illimitées de
segments OA x , OA 2 , OA z , . . . d’une part, OA\, OA' 2 , OA' z , . . .
d’autre part, tels que les segments de la première suite croissent in
définiment et que les segments de la seconde suite décroissent indé
finiment, et cela de façon que les segments A x A\, A 2 A' 2 , A 3 A' 3 , . . .
décroissent constamment pour devenir plus petit qu’un segment arbi
trairement fixé à l’avance (quelque petit qu’on fixe ce segment), à
partir d’un indice n (qui dépend naturellement du choix de ce segment),
alors il existe sur le segment OM un point X tel que OX soit plus
on le définit géométriquement sans ambiguïté et que d’autre part on suppose
qu’il satisfait précisément aux mêmes postulats que ceux qui conviennent au
segment analytique. A chaque segment géométrique correspond alors par dé
finition un nombre réel et l’on peut déduire du postulat d’Archimède qu’à chaque
nombre irrationnel correspond un segment existant géométriquement (Note de
F. Schur).*
135) Cf. H. G. Zeuthen, Math. Ann. 47 (1896), p. 222.
136) *Ces cours n’ont pas été publiés.*
137) Math. Ann. 5 (1872), p. 128.
138) Stetigkeit und irrationale Zahlen, Brunswick 1872-; (3 e éd.) Brunswick
1905, p. 8.