63o HISTOIRE
rante ans. L’objet de cette dispute étoit la manière dont on doit
estimer la force des corps en mouvement que Leibnitz appelle
force vive y tandis qu’il donne le nom de force morte à celle
des corps qui sont seulement dans une tendance à se mouvoir,
et n’agissant que par leur pression. On vit alors l’Europe se
partager en quelque sorte ; presque toute l’Allemagne se rangea
du côté de Leibnitz et de Bernoulli; l’Angleterre fidè e à l’an
cienne estimation , combattit toutes les raisons des premiers
avec tant de succès, qu’après avoir vu les réponses à des rai
sons qui paroissoient des démonstrations, on étoit tout étonné
de ne savoir plus à qui accorder l’avantage. La France fut par
tagée aussi entre une femme célèbre tenant pour Leibnitz, et
un membre illustre de l’Académie; la Hollande fut en général
favorable au sentiment du philosophe allemand, ainsi quel Italie.
Ce qu’il y avoit de bien singulier dans cette dispute, c’est que
le même problème résolu par les géomètres des deux partis avoit
la même solution; ils admettaient tous les mêmes lois du choc,
ce qui pou voit dès-lors donner l’idée que la dispute n’étoit qu’une
question de métaphysique ; ces sortes de disputes sont encore
une espèce de scandale en mathématiques; mais il n’en est
plus question ; l’on estime les forces comme l’on veut, ou par le
quarré de la vitesse, ou par la simple vitesse; les conclusions,
n’en sont pas différentes.
La manière d’estimer la force des corps qui, en vertu de leur
pesanteur, ou d’une pression, tendent au mouvement, n’a
jamais causé de schisme : les principes de la statique démontrent
que la force d’un corps est dans ce cas proportionnelle à la
vitesse qu’il auroit, si son mouvement étoit effectué. Mais en
est-il de même des corps qui sont dans un mouvement actuel?
Leurs forces , toutes choses d’ailleurs égales , suivent-elles le
rapport simple des vitesses comme dans le cas précédent? On
n’avoit pas songé à en douter jusqu’à 1686, que Leibnitz crut
appercevoir une erreur dans l’opinion commune. Il tâcha d’é
tablir que dans ce cas la force est, non comme la vitesse ,
mais comme le quarré de la vitesse. Ce nouveau sentiment
fut annoncé dans les Actes de Leipzig , par un écrit intitulé :
iDemonstratio erroris mérnorabiLis, cartesii et aliorum in aes-
fimandis viribus motricibus corporum. Voici le raisonnement
de Leibnitz.
Lorsqu’un corps tombe d’une hauteur de quatre pieds, il acquiert
à la fin de sa chute une vitesse double de ceile qu’il eût acquise
en tombant d’une hauteur d’un pied ; et en même-temps il acquiert
la force de s’élever à la hauteur de laquelle il est tombé ; avec
une vitesse double il a donc acquis la force de s’élever à une
Jiauteur quadruple de celle à laquelle il s’éleyeroit au moyen de