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PREMIERE PARTIE
ÉGLISES ET ÉDIFICES RELIGIEUX.
La fin du XVIII e siècle et les dix premières années de celui-ci marquent
la période la plus funeste dans l’histoire des monuments vénitiens.
Les spoliations perpétrées par cet insigne brigand qui s’appelait Bona
parte, ont été suivies de la démolition d’un grand nombre de nos édifices
religieux, encouragée non seulement par l’avidité de l’étranger mais encore
malheureusement par la spéculation et l’apathie des Vénitiens, et cependant
c’eût été pour quelques-uns d’entre eux un devoir sacro-saint de sauvegarder
cet héritage de gloires artistiques, emblème depuis tant de siècles de la gran
deur de Venise.
A Ephèse, dit-on, par amour de la patrie et de la Divinité, il était interdit
sous les peines le plus sévères de prononcer le nom d’Erostrate; chez nous,
au contraire, le nom de plusieurs de ces vandales gravé en lettres d’or s’étale
au milieu de collections qu’on voudrait encore appeler des chefs d’œuvre.
Chaque monument, chaque édifice est une page ou un chapitre du livre
le plus splendide où l’on puisse lire et étudier l’histoire d’un peuple; et étant
donné la perte ou encore la destruction d’une page ou partie d’un chapitre,
le sens de ce livre peut devenir difficile ou obscur. Malheureusement à Ve
nise les grandes dispersions et destructions se comptent par centaines. Je ne
parle pas de ce qui dans la suite a été maltraité ou mal restauré
Pour l’histoire de l’architecture religieuse de la période ogivale du XIV e
siècle et du commencement du XV e , il faut regretter amèrement la presque
totale destruction de l’un des plus intéressants édifices religieux, c’est-à-dire
de l’église de S. Maria dei Servi.
Dans la petite partie des vieilles murailles extérieures (intéressante même
par le système de construction) qui reste debout aujourd’hui, nous trouvons
encore des fragments de fenêtres et deux grandes portes, dont celle de côté
est particulièrement importante parce qu’elle offre unies deux formes archi
tectoniques distinctement caractéristiques.
Mais malheureusement ces restes et ces ruines ont été peu étudiés par
les écrivains d’art, auxquels ils auraient pu jusqu’à un certain point, comme
les autres fragments ou parties d’édifices religieux, servir de base pour fixer
l’époque de la construction de nos autres édifices, ou du moins ébranler la
valeur de certaines traditions qui ne sont pas suffisamment autoriseés.
La forme organique ou la disposition architectonique de plusieurs églises
diffère, il est vrai, suivant les ordres religieux qui les fondèrent ou les re
construisirent, mais dans les pays où se trouvent beaucoup d’autres édifices