PÉRIODE DE TRANSITION
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tionnée et s’harmonise assez bien avec la masse de la façade (partie I, PI. 12,
fig. 1). Même son contour extérieur a une certaine grandeur et l’ensemble
des membrures forme un excellent oblique incliné à angle très obtus sur la
bande du jambage où l’œil trouve un plan de repos (v. fig. 63). Dans ces
obliques la triple répétition des modénatures, à gorge, sert évidemment à ne
pas troubler l’ensemble, tandis que l’effet monotone qui résulte fréquemment
de l’uniformité des profils est magistralement brisé par la variété de leurs
ornements et par la richesse des feuillages revêtant ces gorges, arrangés, mo
delés et fouillés par l’un des plus libres décorateurs de la première moitié
du XV e siècle.
Au contour en marbre de cette porte furent ajoutés probablement peu de
temps après deux piliers de pierre d’Istrie, divisés, avec peu de discerne
ment et de goût, par des modénatures horizontales en trop de compartiments
dépourvus d’ailleurs d’une certaine gradation dans les hauteurs.
La Vierge avec l’Enfant sur le pilier de gauche figure dans les guides
comme étant de Niccolô Pisano. Assertion qui se rattache à 1’ opinion erronée
d’après laquelle il aurait été aussi l’architecte de 1’ Église actuelle, mais qui
relativement à ce groupe n’ a d’autre fondement que l’attitude des figures
rappelant les travaux soi-disant des Pisani qui servirent si longtemps de pro
totypes hiératiques pour ces sujets et dont on voit une bonne reproduction exé
cutée au commencement du XV e siècle à Saint-Marc au-dessus de l’ambon
de droite (v. fig. 64).
Si dans le beau groupe des Frari, outre cette analogie de concept, tran
spire encore quelque souvenir de forme ou caractère d’une vieille école célè
bre, ceci, à mon avis, doit être attribué à l’un de ces héritages dont les trésors
intarissables ne s’épuisent que lentement. Et nous en avons la preuve dans
une foule d’œuvres vénitiennes qui, quoique exécutées vers la moitié du XV e
siècle, rappellent cependant jusqu’ à un certain point les manières des dalle
Masegne, ce qui d’un autre côté se rattache à bon droit à la longue activité
de cette nombreuse famille ( l ).
Cette sculpture a des rapports avec le bas-relief en marbre sur la porte
de la Chapelle Cornaro aux Frari (Partie I, PI. 11) dont la fondation est cer
tainement postérieure à octobre 1422 ( 2 ). Ce bas-relief occupe, quant au mé
rite, le premier rang parmi les travaux congénères exécutés à Venise à la
période qui se rapporte à 1 art nouveau, tant par la composition et le senti
ment, que par l’excellence de la forme et le but et le sage emploi des di
vers plans dans le modelage.
Il est à remarquer que, par une étrange coïncidence artistique, l’attitude
de la Vierge et de l’Enfant n’est pas sans rapports avec la célèbre Madone
(* 2 ) Texte It., p. 50.