PÉRIODE DE TRANSITION
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construit ce cloître (de plan irrégulier) et étant donné le peu d’élévation du
portique, le problème de construction ne pouvait être mieux résolu qu’ en
employant, comme on le fit, l’arc à plein cintre et en abandonnant le vieux
système des poutres continues disposées sur des modillons doubles de bois
reposant sur des supports.
Certains fûts des plus grosses colonnes, celles des angles provenant sans
doute de quelque vieille construction, sont en deux morceaux séparés par un
disque avec ornement tout autour formant le soi-disant groupe ou nœud.
La décoration des chapiteaux est assez variée; il y manque pourtant çà
et là le goût animé des ornements vénitiens, et tous ne sont pas, ce semble, de
la même époque.
Plusieurs de ces chapiteaux rappellent les manières semi-vénitiennes de
certains décorateurs lombards qui vers la moitié du XV e siècle travaillaient
dans différentes villes de la Vénétie. Et le type et le genre d’exécution des
feuillages se rapproche assez de ceux que sculptaient, de 1462 à 1475, les frères
Giorgio et Lorenzo de Corne, dans le cloître et Église de S. Stefano à
Bellune (*).
Dans le cloître de S. Michel de Murano, remarquons encore le système
de la couverture avec l’appui donné le long des murailles aux pointes (v. fig. 94),
et avec la disposition des poutres diagonales dans les angles, soutenues par
de petites consoles de pierre à feuillages. Les boiseries principales sont scul
ptées.
Grevembroch a fait en 1754 de la porte qui mène à ce cloître (v. fig. 77)
un dessein sous lequel on lit: Supponiamo che questi siano gli ornamenri erano
délia Porta del Tempio, indi trasportati sopra quella del chiostro di San Michèle
appresso Murano, scolpiti da Amhrogio da Urhino. Supposition qui a l’air de vouloir
corriger l’assertion de Sansovino qui dans sa Venetia ne s’est point souvenu
de ce travail, disant au contraire que les « ornements et les feuillages de la
porte de 1’ Église furent exécutés par Ambrogio da Urbino » ( 2 ).
Cet Ambrogio qui s’identifierait ainsi avec le maître auquel on attribue
une grande partie des décorations du Palais Ducal d’Urbin, ne peut en aucune
façon être l’auteur de la plus ancienne porte de S. Michel. Je dois cependant
faire savoir au lecteur ( comme résultat demes analyses comparatives) que la
part de ce maître dans les travaux de ce palais est assez restreinte, car beaucoup
de ce qui porte son nom est dû au contraire à d’autres maîtres lombards qui
dans la suite fixèrent leur demeure à Venise et spécialement à ceux qui y tra
vaillèrent dans 1’ Oratoire de S. Marie des Miracles, dans le Palais Ducal, dans
la vieille Église de S. Roch, etc., comme je le montrerai au second volume,
où 1’ on verra encore que plusieurs des tailleurs de pierres qui travaillèrent
( 1 2 ) Texte It., p. 59.