PÉRIODE DE TRANSITION
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Sans parler de la différente décoration des fonds et des contours, des
médaillons inscrits dans les doubles carrés des décors, différence que pourrait
expliquer l’attrait de la variété, je trouve que les demi-figures de prophètes
qui y sont sculptées diffèrent tellement, elles aussi, d’un décor à l’autre, qu’il
est impossible de les attribuer au même ciseau.
Les deux prophètes de gauche ont une attitude plus tranquille, plus
majestueuse et plus en relief, le modelé en est plus large et les extrémités sont
traitées avec plus de netteté. Toutefois dans l’ensemble, comme les amours
de la corniche, ils trahissent encore une certaine dépendance de l’ancien ma
niérisme et par conséquent un artiste peu exercé à travailler d’après nature.
Le contour de ces deux modillons se compose d’un bâton sculpté en
mailles de chaîne; dérivation de la double dentelure de la période ogivale
très usitée à Venise par les artistes lombards de la Renaissance.
Les deux autres demi-figures (exécutées, ce semble, par une autre main
que celle du sculpteur de la corniche) par les proportions, par la manière de
traiter la barbe et les cheveux et la finesse recherchée des étoffes imitant le
vrai, par la taille en creux bien nette de certaines parties et par la délicatesse
du relief indiquent au contraire un artiste de la Renaissance et offrent de
grandes analogies avec des travaux de l’école padouane; les mains d’ailleurs
ne sont pas bien comprises et semblent l’œuvre d’une main novice.
Nous n’avons malheureusement aucune indication sur 1’époque ni sur les
sculpteurs de ces décors. Il furent probablement exécutés par quelque maître
chargé en même temps d’autres travaux à S. Zacharie et peut-être par maître
Domenico surnommé Duca, originaire de Cino (sans doute Cino, fraction du
District de Sondrio, Diocèse de Còme), qui figure sur les comptes de la cons
truction en Août 14S9, où il est aussi appelé quelquefois Domenico doxi ou
Domenico dicto doxe. Ce maître qui exécuta dans la suite la plupart des déco
rations de ce Temple ne peut être que le même magistro Domenico q. ser Joannis
de mediolano tayapiera habitator Venetiis in confinio Sancii Vitalis (*), qui préci
sément à S. Zacharie en même temps que maître betino q. ser bonomj de villa
Ascantij bergomi murario in dicto monasterio, signait comme témoin un acte en
date du 26 Juin 1483 (*).
A propos de la famille ou du surnom Duca on sait que les artistes ainsi
appelés (je parlerai d’eux ailleurs) travaillèrent sur d’autres points, mais on
ignore si et comment chacun d’eux avait des liens de parenté avec la famille
ou descendance du susdit Domenico, et je dois dire la même chose relativement
à ce magistro Stefano de Beltramo dei Doxi da Lugano muratore qui en 1454 tra
vaillait ali bagni de la gropta et crutiata de Viterbe ( 3 ).
J’ai signalé quelques analogies entre le bas-relief de gauche et certaines
(» 2 3 ) Texte It., p. 69.