PREMIERE PARTIE
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( 1 2 ) Texte It., p. 82.
celui qui est plaeé sur le front de 1’ abside intérieure dans 1’ Ég-lise neuve, je
m’abstiens de me prononcer. Peut-être a-t-il été transporté ici de la vieille
Église pendant les bouleversements de l’année 1595; il a probablement été
retouché et certainement repeint.
Il existe encore à Venise deux autres sculptures du même genre: l’une
à la scuola de S. Jean l’Evangéliste, dont l’auteur, à mon avis, n’est pas le
m.° Lodovico de Forli qui sculpta les ancones de S. Zacharie, quoiqu’ il fût
occupé en Décembre 1454 à divers travaux pour cette Confrérie ('). Mais sur
ce Crucifix, qui n’arrive pas à la médiocrité et est très probablement anté
rieur de quelques années à cette dernière date, je ne crois pas utile d’appeler
1’ attention du lecteur.
L’ autre au contraire, que je dirais presque fameux, se trouve aujourd’ hui
sur un autel dans 1’ Eglise de S. Georges Majeur ( P. I, pl. 23 ). Les critiques
épris des grands noms avec la divergence accoutumée des conjectures ont
voulu y voir la main ou de Filippo di ser Brunelleschi ou de Michelozzo Mi-
chelozzi ou même de Donatello ( 2 ), brodant toute une série de jugements en
1’ air qui tombent devant 1’ analyse artistique des points de comparaison. Et en
etfet, en comparant le Crucifix de Brunelleschi à Santa Maria Novella de Flo
rence (v. fig. 92 ) avec le nôtre et avec les sculptures connues ou prétendues
de Michelozzi, on découvre de telles différences de type, de proportions et de
goût, qu’on ne peut certainement admettre ce Crucifix comme étant l’œuvre
de ces artistes. Chez lui les formes sont tout à fait vulgaires, la tête est trop
grande relativement à la longueur du corps ( rapport que 1’ on ne trouve dans
aucune des œuvres des maîtres Florentins ) ; la longueur du visage comparée
avec les dimensions du crâne est aussi très disproportionnée. L’ effort anato
mique est poussé dans le nu jusqu’ au plus haut degré et par le goût dans le
choix du modèle cette œuvre a des analogies avec la figure de Noé sculptée
par un trécentiste à 1’ angle sud-est du Palais Ducal ; les bras, les côtés et spé
cialement les jambes, qu’ on pourrait dire dans un autre sujet calquées d’après
nature sans préoccupation esthétique, s’ éloignent trop par leur vulgarité du
concept élevé de la forme qui se dégage des œuvres des maîtres toscans. Si
1’ on prend encore pour comparaison 1’ un des travaux moins saillants et de la
manière plus vériste de Donatello, comme par exemple la statue en bois de
1’ ascète S. Jean-Baptiste, sculptée par ce maître pour 1’ autel des Florentins
dans l’Église des Frari à Venise (v. fig. 90), les proportions sont également
bien différentes, il n’y a aucun effet d’angiographie et il suffit de remarquer la
manière dont sont groupés et traités les cheveux et la barbe et la forme
différente et le goût avec lequel y sont modelées les extrémités, spécialement
les mains et les jointures, pour détruire toute idée de parenté entres cette statue