PÉRIODE DE TRANSITION
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» est encore ogivale, avec cette manière élégante d’entrelacer les arcs semi-
» circulaires, parce que de leurs entrelacs résultaient des diagonales. Dans
» les angles de ce palais se trouvent déjà substitués aux rampes des pilastres
» ajoutés, et de même apparaît ajoutée la base sur laquelle se développe un
» boudin très orné de goût entièrement lombardesque. Ce sont là les premiers
» indices, du style roman qu’ on greffe avec une noble liberté sur celui du moyen âge » (‘).
Comme conséquence de ce jugement, qui est celui du grand nombre, il
semblerait que cet édifice pût figurer comme l’un des anneaux les plus re
marquables entre notre période ogivale et celle de la Renaissance. Ce qui
n’est pas exact, parce que ces styles ne sont que mêlés et qu’il n’ya d’autre
greffe que les matériaux de construction.
Les contours des susdites portes, ceux des fenêtres inférieures du rez-de-
chaussée, les fenêtres isolées dans les ailes des deux autres étages (insérées
dans des rectangles typiques à contours dentelés), les chapiteaux tant des bal
cons que des autres ouvertures, dont l’exécution tient le milieu entre ceux
que sculptèrent les ornemanistes lombards de la Cà d’Oro et plusieurs de
l’Arco Foscari du Palais Ducal: de même la plus grande partie des cimiers
au-dessus des arcs infléchis et les corbeaux d’une paire de balcons décorés de
pointes de diamant, voilà tout ce qui appartient nettement à la période ogi
vale et qui, comparé aux autres travaux, ne peut être de beaucoup postérieur
à la moitié du XV e siècle.
Au contraire le soubassement rustique, avec ses modénatures découpées
à rubans, à écailles, à cannelures, la forme de toutes les corniches richement
travaillées à ovules et dentelles, les parapets à balustrades et spécialement
les chapiteaux répétés corinthiens et composites ( 2 ) des parastes angulaires, di
visées non pas en bosses, comme l’écrit Selvatico, mais en miroirs encaissés,
sont des travaux exécutés en partie vers la fin du XV e siècle et en partie
assez tard dans le XVI e .
Sous les balcons on voit encore des modillons de type ogival, renforcés
de corbeaux ou consoles à cartouche. Le parapet ajouré de la terrasse au-des
sus de l’incomplet encadrement marque, dans l’ordre du temps, la dernière
addition incohérente faite à ce palais, dans lequel le style de la Renaissance,
sans avoir égard aux principaux caractères de l’édifice, se marie mal à celui
du moyen âge.
Tassini ( 3 ) rapporte que ce palais fut encore agrandi en 1742.
Quant aux édifices de type soi-disant fragmentaire, l’un des plus inté
ressants est certainement le palais da Mula à Murano.
Abstraction faite des décors, patères et autres débris enchâssés dans la
façade, souvenirs de périodes artistiques très antérieures au XV e siècle ( 4 ) et
(iî3 4) Texte It., p. 33.