LA RENAISSANCE.
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Une autre chose qui ne peut passer inaperçue dans la partie inférieure
du palais Corner est le saisissant contraste entre les faibles contours et saco-
mes des différentes ouvertures et la classique sévérité du bossage. Et il y a
aussi des différences non légères entre leurs décorations et tous les autres or
nements et surtout dans la porte du quai, dont les feuillages flasques et de
découpure peu accentuée offrent de grandes ressemblances avec les ornements
romanisants des sièges ou bancs de marbre dans la Chapelle des Corner aux
Frari (v. fig. 72). Différences qui unies au relief ou saillie des revêtements en
bossage font soupçonner que ces ouvertures ont été les premières à être prépa
rées et d’après un modèle radicalement transformé depuis par un autre archi
tecte : Moro.
Dans cette façade, intéressante spécialement pour l’étude de certaines for
mes évolutives, l’attention est encore éveillée par la forme singulière des
balcons des baies latérales de l’étage du milieu, formés de parapets et plates
prothèses et courbés à trois sections de cercle. Motif très gracieux et qui,
étant donné certaines formes, répond très bien à la commodité de cette partie
devenue indispensable dans les palais vénitiens. Le système d’ailleurs de sou
tenir les montants rien qu’avec des modillons est en apparence quelque peu
faible et, décorativement, la partie inférieure des balcons est plutôt maigre.
C’est là aujourd’hui l’unique souvenir qui reste à Venise de ce type
des pergoli, dont nous avons, quoique sous un aspect bien peu décoratif, un
exemple frappant à Vicence dans la maison ou palais des Pigafetta (v. fig. 73)
construit en 1481 ( 1 ). Edifice où quelque maître de la Haute Italie, plutôt sculp
teur qu’ architecte, voulut greffer pittoresquement les plus capricieuses ornemen
tations plastiques de la Renaissance sur les lignes de l’architecture ogivale.
De cet hybridisme nous avons d’autres exemples plus ou moins curieux
à Vicence et dans plusieurs autres villes de la Vénétie ; ainsi (par exemple) à
Vérone dans le palais Lisca (v. fig. 74) et à Padoue dans la maison, autrefois
des Valmarana, au pont des Torricelle (v. fig. 73).
On revenait à ce mélange stylistique qui trouve sa raison d’être dans
les traditions et les habitudes locales, c’est-à-dire dans le goût du milieu, et
qui est par là même une caractéristique de la période de transition, et d’une
manière étrange, dans les palais (v. fig. 76) commencés vers 1534 P ar noble
Francesco Zeno sur le modèle fourni par lui-même ( 2 ) et dont les travaux,
après sa mort (1538), se continuèrent suivant les conseils de son ami Seba
stiano Serlio architecte ( 3 ). En 1553 ces constructions n’étaient pas encore
tout à fait au complet et les façades furent plus tard peintes à fresque par
Andrea Schiavone et Giacomo Tintoretto.
A propos de la période de transition j’ ai parlé des bifores de style ogi-
(12 3) Texte It., p. 186.
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