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SECONDE PARTIE
Comme l’indiquent les caractères architectoniques et ornementaux (v. fig.
110), cette Chapelle fut très probablement construite au commencement du XVI e
siècle, et l’architecte, quoique sous une forme plus large et importante, ne voulut
pas s’écarter du type de l’encadrement de la Chapelle Martini; mais orna la
bande supérieure de l’architrave d’une légère frise à nielle au lieu de cannelures.
La décoration des chapiteaux a le caractère lombard; mais la découpure
des feuillages (quoique nettement fouillés) est un peu trop uniforme.
Belles sont les guirlandes de l’archivolte et si, par le modelé des masses,
elles n’atteignent pas l’effet vivant de la merveilleuse guirlande de 1’ arc de
triomphe de Sainte-Marie-des-Miracles (V, Partie II PL 21), elles n’en sont pas
moins exécutées par un ciseau très analogue et peuvent être rangées parmi
les meilleures du genre.
La pala d’autel (que je crois à peu près contemporaine de la construction
de la Chapelle) comme l’indiquent et les niches latérales, et les mutilations
des petits pilastres et l’absence de certains membres dans les impostes et les
corniches, doit avoir subi des remaniements, sans doute lorsque Pietro Grimani
ou ses héritiers firent appliquer le modeste parapet avec la statue de S. Pierre
et les armoiries de la famille (v.fig. ni).
Les ornements du soubassement de la pala sont bien dessinés et exécutés
avec assez de soin, et quoique les statues, spécialement des amours ou anges,
laissent quelque peu à désirer sous le rapport du mouvement et de l’élégance
des proportions, et encore que dans toutes s’accuse déjà un certain froid ma
niérisme classique, ce sont toutefois des travaux d’un mérite peu ordinaire, et
la tête de S. Luc par son expression est encore un bon morceau de sculpture.
Les figures des anges ont des rapports avec les amours des monuments
de Melchiorre Trévisan (v.fig. 13) et de Pasqualigo dans l’Église des Frari
(v,fig. 117), et la figure du saint Patron a de grandes analogies avec les statues
de l’autel érigé par Paolo Trévisan à Sainte-Marie-Mater-Domini (v. PL 133fig. 2),
travail, comme l’assure Sansovino et comme on peut d’ailleurs le déduire d’un
document ( ] -), exécuté en grande partie par Lorenzo Bregno et terminé après
sa mort (1524) par Antonio di Giovanni Minello des Bardi, de Padoue.
On peut donc, à mon avis, supposer avec quelque certitude que Bregno
est aussi l’auteur du susdit autel de S. Luc.
Quant à l’ordre donné par le Doge Moro de faire les chapelles, je dois
prévenir le lecteur qu’alors le mot capelle n’indiquait pas toujours des édifices
spéciaux ou des portions des Églises formées par les enfoncements des nefs
ou par d’autres constructions bien distinctes ; mais cette expression servait en
core à désigner les autels exclusivement et la place qu’ils occupaient.
Les additions et les modifications apportées à cette Église au XVI e et
f 1 ) Texte It., p. 201 et 202.