LA RENAISSANCE.
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tombeau du Doge Marcello dût avoir chronologiquement la préséance. Mais, à
mon avis, cette hypothèse a contre elle jusqu’ à un certain point les caractères
mêmes de l’cèuvre, laquelle, soit dans la structure et dans le développement
des formes architectoniques, soit dans le partie statuaire, trahit un goût plus
raffiné et sur quelques points une tendance plus accusée au conventionnalisme
classique.
Je ne veux pas d’ailleurs admettre que ces travaux soient séparés par un
laps de temps considérable, car, à cette époque d’activité fébrile, 1’ évolution
artistique fut extrêmement rapide ; l’Art, dans la famille même des Lombardo,
en une quinzaine d’années seulement, put franchir l’énorme distance qui sépare
le monument de Pietro Mocénigo de celui du Doge Andrea Vendramin (v. PI. 95),
lequel a sa genèse architectonique dans le tombeau de Niccolô Marcello. Tom
beau qui possède en outre deux excellents titres de parenté avec celui que le
médecin Giacomo Suriano de Rimini se fit élever entre les années 1488 (’)
et 1493 (*) dans 1’ Eglise de S. Stefano (v. PI. 75 fig. 1), et qui, étant donné le
caractère des détails décoratifs, me paraît postérieur de quelques années au
susdit monument Marcello. P. Selvatico et autres reprochent justement à l’auteur
de cette oeuvre la disproportion entre la partie arquée et la hauteur des soutiens
et par conséquent la trop grande largeur de l’entre-colonnement. Mais à part
ces défauts d’équilibre et d’élégance dans les masses, souvent inhérents à la
mise en œuvre de nouveaux concepts, on ne peut pas méconnaître les grandes
qualités de ce travail.
On admire le motif du catafalque ou feretrum, élégamment profilé sup
porté par des chevalets en X, dont nous avons toutefois des exemples antérieurs
dans les monuments toscans, et que Pietro Lombardo reproduisit ensuite sous
une forme plus grandiose et avec plus de richesse décorative dans le beau
sarcophage de 1’ Evêque Giovanni Zanetti, dans la Cathédrale de Trévise
(v. PL 79-80 fig. 2).
Quelque peu lourd est, au contraire, le corps du tombeau placé dessous :
toutefois, à mon avis, il devait être à l’origine agrémenté de quelque ornement,
et par conséquent le revêtement de marbres bigarrés des compartiments du de
vant ne serait qu’ une simplification apportée par les restaurateurs du siècle
dernier.
Gracieuses sont les colonnes isolées, à fûts cannelés de différentes ma
nières, avec leurs piédestaux cylindriques en forme d’autels et ornés de chéru
bins et petits festons, analogues de forme à ceux bien plus grandioses de la
Chapelle Corner aux Ss. Apôtres (v. fig. 119).
En dehors du couronnement, d’un type quelque peu bizarrement libre,
et dont la proche répétition des gorges droites est quelque peu discutable,
(! 2 ) Texte It., p. 204.