LA RENAISSANCE.
149
droit le plus opportun. C’est donc à dessein qu’ils écartèrent tout projet re
latif au type de cette partie principale tant que le corps antérieur de l’Église
n’avait pas été construit pour pouvoir ainsi faire une œuvre proportionnée
aux offrandes qu’ils auraient recueillies pendant ce temps. Aussi étant donné
la longueur et les proportions de la nef, je crois que le haut palier des am-
bons était déjà en quelque sorte tracé sur le modèle primitif auquel on ajouta
en 1485 le presbyterium.
Celui-ci a la forme d’un quadrilatère et est formé dans le haut de qua
tre arcs déterminant autant de panaches; on passe graduellement du carré de
base au tambour circulaire avec fenêtres sur lequel repose la voûte hémisphé
rique, en briques, insérée dans la svelte coupole extérieure avec lanterne, cons
truite au contraire en bois et couverte en plomb.
A cette dernière, à cause du défaut d’espace, fut assez maladroitement
adossé le petit campanile polyédrique sur lequel tourne un escalier en lima
çon qui met d’un autre côté la Chapelle en communication avec la sacristie
inférieure et les autres endroits (') auxquels on accède de la nef par les sus
dites petites galeries dans le devant de la balustrade avec palier.
Au milieu de la Chapelle se trouve, entouré d’une balustrade ajourée,
l’autel composé d’une table soutenue par des colonnettes sur laquelle on voit
encore l’image de Marie avec l’Enfant peinte par maître Niccolô (v. fig. 120).
Les deux autres figures de la vieille ancône ont été perdues en 1602, lorsqu’on
érigea un grand autel de marbre style baroque qui, lors des dernières restau
rations, a été heureusement supprimé pour redonner à cette partie de l’édifice
son caractère original ( 2 ).
Étant donné le peu d’espace, il est impossible de concevoir une disposi
tion plus ingénieuse et meilleure que celle que présentent les différentes par
ties de cette construction qui, certainement, dut assurer à Pietro Lombardo
l’un des rangs les plus distingués parmi les architectes qui florissaient à Ve
nise au temps de la Renaissance.
Burckhardt a dit à propos de ce monument ( 3 ) : «Le chœur, rehaussé
»considérablement sur un gracieux escalier avec balustres (afin d’établir la
» sacristie au dessous) est dans sa forme intérieure une pensée florentine éclose
» sur le sol vénitien ».
Il y a plus ; à mon avis, on peut même ajouter que non seulement ce
palier mais encore le presbyterium laisse clairement deviner la pensée chré
tienne, l’influence sur l’architecte des vieilles Eglises dont il s’inspire. C’est
ce que démontrent éloquemment dans leur géniale distribution la sacristie
souterraine en forme de crypte, l’arc de triomphe, la forme de l’autel, les siè
ges autour de la Chapelle et surtout la division de la nef en deux parties
( 1 2 3 ) Texte It., p. 207 et 208.