LA RENAISSANCE.
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Ce n’est pas par conséquent sur ces parties de l’Église que je veux re
tenir la patience du lecteur ; mais laissant encore pour un moment de côté le
caractéristique palier des ambons, je m’arrêterai au contraire sur le seuil du
chœur pour en examiner le grand arc de triomphe.
La largeur de l’ouverture (5 m. 44) est approximativement à la hauteur
(11m. 18) comme un est à deux et ainsi sous le rapport de l’élégance des
proportions il n’ y a, rigoureusement, rien à désirer. Agilement proportionnés
sont encore les pilastres hauts de 5 m. 44 (avec la base et le chapiteau), envi
ron 11 fois leur largeur (om. 48). La hauteur des chapiteaux (om. 64) par
rapport au pilastre tout entier est dans le bon rapport de 1 à 8 1 / g . L’entable*
ment sur lequel retombe l’archivolte à pied rehaussé est un peu moins
des 2 /g ( 1 m. 23) du pilastre et prend ainsi un aspect de grande légèreté; et
l’on ne pouvait pas le faire plus haut et plus saillant (om. 33 du vif du pi
lastre), parce que, courant ensuite seul le long des trois côtés du sanctuaire, il
aurait paru, autrement, trop massif. Enfin le piédestal (à partir du dé ou qim-
risello quelque peu aplati à l’égal de ceux de l’extérieur), a comme hauteur
un peu moins du cinquième de l’ordre entier.
De ces éléments ressort donc évidemment la tendance de l’architecte
lombard de la Renaissance à donner à son œuvre le plus de grâce possible
au lieu de s’en tenir au caractère sévèrement grandiose des modèles anciens.
Il ne manqua pas le but qu’ il se proposait et il l’atteignit avec un suc
cès tel que cette partie de 1’ Église peut être citée comme l’une des produc
tions les plus géniales de l’art italien, car à l’élégance de l’ensemble (v. PI.
3 et 4), à l’harmonique combinaison des masses principales, ce maître sut
joindre une habileté consommée pour graduer et profiler les différents détails
architectoniques et pour composer et distribuer les décorations.
Et l’œil de l’artiste se repose avec une satisfaction des plus vives sur la ro
buste gorge et la guirlande hardie de l’archivolte (v. PI. 21), sur les riches et
jolies membrures de l’entablement, et de même sur les chapiteaux (Pl. 25 fi g.
et 6) aux abaques bien plus nettement fouillés que ceux de l’arc de triomphe
de S. Giobbe (Pl. 28) et aux luxuriantes volutes; et le regard ne trouve aucun
mécompte en descendant le long des profils de la base attique et du piédestal
(Pl. 19"et 20) jusqu’à ce qu’il s’arrête, pour savourer d’autres sensations exqui
ses, sur les délicats contours des figures géniales que Pietro Lombardo et ses
fils composaient avec une grande originalité de pensée et qu’ils sculptaient
avec tant d’habileté sur les soubassements ou socles de ces somptueux supports.
Quelques-uns ont trouvé à redire aux coussins (en marbre gris bronzé)
qui supportent ces socles ; mais quoique ce soit en réalité une invention discu
table, elle n’en contribue pas moins jusqu’à un certain point à donner une
idée ou apparence de plus grande légèreté.