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SECONDE PARTIE
Les réminiscences fragmentaires des modèles antiques y abondent; mais
par la profusion des détails, par la grande agilité des formes et par la minu
tieuse variété de la sculpture des feuillages, ces décorations perdent en grande
partie le caractère grave des prototypes. Caractère qui d’ailleurs pouvait diffici
lement être adapté à cet édifice, ni même s’ harmoniser avec les bien lointaines
ou diverses tendances locales, soit avec le goût du milieu vénitien si raffiné et
si vivace.
Les exquises et élégantes décorations de ces pilastres ont encore une
grande valeur par leurs rapports directs avec d’autres œuvres de cette période
artistique, et j’ en ai retrouvé le modèle dans la magnifique construction de
la Renaissance qui s’appelle le palais des Montefeltro à Urbino. Et pour savoir
ce qu’ il y a de vrai dans mon assertion, il n’ y a qu’ à confronter les orne
ments des pilastres (v. fig. 55-57) de l’escalier et la frise de l’une des si ri
ches portes intérieures (v. PL 93 fig. 3) de ce palais avec les susdits pilastres
des Miracles (v. PL 22 et 23).
J’ai voulu du reste dessiner une partie de la décoration et du contour d’une
autre de ces portes (v. Pl. 33 fig. 1), afin que, en comparant la singulière com
position et les détails de la frise et le profil des modénatures et encore le large
demi-rond richement sculpté en rosaces, avec les décorations des décors et les
sacomes des piédestaux (v. Pl. 19, 20 et 25 fig. 2) et avec les somptueux contours
à oblique (v. Pl. 24 fig. 1) des fenêtres du chœur (*) de notre Eglise, 1’ amateur
ait une idée de plusieurs autres analogies qui existent entre ces deux édifices.
Dans les trophées de la seconde porte désignée ci-dessus je trouve toutefois
d’autres analogies avec les harnais ou instruments guerriers répétés symétri
quement sur deux petits pilastres des dossiers des gracieux sièges en marbre
dans le palier des ambons de ce Sanctuaire (v. Pl. 15 fig. 2 et Pl. 29 fig. 1) et
en particulier sur un singulier harnais (composé d’un tube joint à une espèce
de large et courte sangle à passants et boucles) dont Venise nous offre encore
un exemple dans un pilastre de la chambre du Palais Ducal, appelée anti-
cappella, où les mêmes ciseaux reproduisirent encore d’autres de ces emblèmes
guerriers.
L’ornement romanisant avec double tige infléchie ( z ) dans les pilastres
de 1’ entrée de la grande Salle (v. Pl. 101 fig. 1) de la résidence des Montefeltro
est également répété sur un petit pilastre (v. Pl. 17 fig. 3) du gracieux ba-
lustre qui ferme le palier de S. Marie-des-Miracles.
La frise de cette dernière porte a également de bonnes analogies avec celle
qu’ on voit aujourd’ hui sur le côté ( 3 ) de notre Eglise de S. Roch (v. Pl. 101
fig. 2) qui, même pour Burckhardt, « rappelle la belle manière du Palais
« d’Urbino ( 4 ) ».
(12 3 4) Texte It., p. 210.