LA RENAISSANCE.
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niée par quelques-uns sans apporter aucune espèce de raison et à mon avis
inconsidérément.
Quoique alors, même à Venise, le goût fût porté à admirer tout ce qui
pouvait avoir une saveur antique, je ne puis croire que les pieux commettants
et les procurateurs de ce Sanctuaire, comme il s’ agissait d’œuvres qui dans
la forme présentaient un type tout autre que chrétien et qui devaient prendre
place dans un endroit si visible, ne reçurent pas de l’auteur des raisons plau
sibles sur la signification, assurément non en opposition avec le lieu, de ces
importants travaux.
Elt il ne me semble pas qu’ en s’identifiant avec 1’ esprit subtilement
chercheur de ce temps, il doive être très difficile (malgré les dégâts soufferts
par les marbres) d’y retrouver une personnification des saisons et des trois
périodes les plus notables- de la vie.
Ainsi sur la face intérieure du socle de droite (v. PI. 25 fig. 4), dans les
deux figures angulaires (une jeune fille qui presse la main sur son cœur et un
jeune homme avec les cheveux soigneusement arrangés) d’où sortent des tresses
et où sont tournées l’une vers l’autre deux branches luxuriantes de vigne, jointes
ou rattachées à la chevelure d’une tête ailée de génie ou chérubin souriant, il
me semble, dis-je, que 1’artiste, se rappelant le concept d’un monument chré
tien où se tient entre les époux un messager céleste, ait voulu faire allusion à
un sentiment commun, c’est-à-dire aux liens sacrés de l’amour; à ce prin
temps de la vie si bien déterminé par les formes de ces nus et peut-être
encore par les petits fruits amers que deux amours joufflus tiennent à la
main.
La sirène (aux formes féminines peu accentuées) qui dans le milieu de
1’ autre côté (v. PI. 25 fig. 3) baisse la tête vers un guerrier avec barbe auquel
un amour présente, non volontiers, une poire, indique surtout les séductions
ou les attraits de la mer pendant la saison d’été, d’ailleurs, bien personnifiée
par 1’ âge viril de cette vigoureuse figure de soldat.
Sur la face intérieure de l’autre socle (v. PL 30), l’enfant nu qui tient
de la main gauche un harnais, qu’on a peine à discerner, et de la droite un
grappillon de raisin, désigne clairement l’automne.
En réalité il n’est pas difficile de percevoir l’allusion à l’hiver et à l’âge
le plus avancé de la vie dans le dernier haut relief (v. PL 19). Là dans l’angle
extrême, sur un fond complètement dépouillé de toute végétation, apparaît un
vieillard chauve, l’air sombre, avec cuirasse et manteau, auquel se tient unie
une figure de femme plus âgée que les autres, le front serré par un bandeau,
et qui élevant les yeux au ciel s’ éloigne d’un génie vêtu d’une tunique relevée
à large bande, lequel semble vouloir la retenir. Dans une direction opposée
un amour semblable tient de la main droite une pomme et de la gauche saisit