LA RENAISSANCE.
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avec le trident qui sert de soutien ou support à la composition, on peut croire, à
mon avis, qu’on a voulu ainsi faire allusion aux féconds triomphes maritimes des
Vénitiens et rappeler par ces initiales la devise Tridens Fulcrum Trophæorum.
Sansovino dit que, dans cette Église « Tullio Lombardo sculpta les sta-
» tues de marbre de la grande chapelle ( l ), » et même Temanza cite ici deux
petites statues du même auteur. Ces travaux, aujourd'hui perdus, étaient sans
doute placés sur les balustres ou encore sur la table d’autel, où se trouvent
les deux statuettes de bronze modelées, mais non bien fondues, par Vitto-
ria (v. PI. 34 fig. 4 et 6) ( 2 ). Les écrivains assignent encore à Tullio les qua-
tres demi-figures de marbre disposées dans le carré sur la cymaise des ba
lustrades (v. PL 4, 16 fig. 1 et 2 et PI. 34 fig. 7 et 9). Et cela me paraît en
outre confirmé par les caractères des sculptures et sous une forme particulière
par la Vierge de l’Annonciation et par l’archange Gabriel qui rappellent si
bien les travaux de ce maître, tels que les statues du monument du Doge
Giovanni Mocénigo (v. fig. 138), les anges qui supportent aujourd’hui les fonts
baptismaux de l’Église de S. Martin (v. fig. 139), le groupe de deux têtes ju
véniles qui est conservé au jVfusée Archéologique (v. fig. 140), la pala de l’autel
Bernabô à S. Jean-Chrysostôme (v. PI. n7) et deux bas-reliefs dans la Cha
pelle du Saint à Padoue (v. PL 127 fig. 1 et 2).
Le beau visage de l’Annonciation, malgré les grandes paupières abais
sées, rappelle par la typique expression des traits plutôt Junon que la Vierge.
Et l’arrangement de la riche chevelure ondulée, serrée par un ruban et ren
voyée du front et des tempes en arrière sous une espècee de himation qui
couvre la tête, indique bien nettement une imitation de quelque ancien frag
ment. Et nous avons un type classique semblable dans l’archange avec la tête
ceinte du sfendone ou diadème qui est de l’autre côté de l’escalier (v. Pl. 34
fig. 7). Toutes sculptures qui ont d’évidentes analogies et avec les statues de
l’arcade et avec les anges en bas-relief dans le stylobate du monument du
Doge Andrea Vendramin (v. Pl. 95 et 124 fig. 2),
Beaucoup plus expressive est la Sainte Claire sur l’angle de la balu
strade et il est facile d’y reconnaître une étroite parenté avec le bas-relief
de l’autel Gussoni à S. Lio (v. Pl. 72 fig. 2). Citons encore la dernière demi-
figure représentant S. François d’Assise, et de ce travail on peut encore tirer
des déductions d’une haute portée relativement à un autre important travail.
Je veux parler du Tabernacle de la sacristie des Frari (v. Pl. 74), dans
lequel, dit-on, est conservée un goutte de sang du Christ tombée dans le par
fum de Madeleine, apportée en 1479 de Constantinople à Venise par le capi
taine Melchiore Trévisan. Comme on peut le déduire d’un passage de Sabel
lico, ce reliquaire était déjà terminé en 1487 ( 3 ).
C 23 ) Texte It., p. 216.