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SECONDE PARTIE
rines entières peu en relief, à gauche 1’ archange Gabriel avec lys et à droite
la Vierge de 1’ Annonciation ; les espaces angulaires des autres côtés sont au
contraire remplis d’amours ou anges en pied ou suspendus sur de petites nuées;
excepté deux ou trois, ces sculptures n’ ont qu' un mérite secondaire.
Il est probable que Pietro Lombardo mit la main aussi à quelques-uns
des susdits médaillons et sans doute plusieurs furent exécutés dans son atelier
ou sous ses yeux. On aperçoit çà et là des figures qui rappellent le Chœur
des Frari et la Chapelle Giustinian ; d’autres par P arrangement des draperies
ont des analogies avec quelques sculptures des Rodari dans la porte de la
Ranci de la Cathédrale de Cômef mais il y en a bien peu où je découvre les
caractéristiques des fils de Pietro Lombardo, qui fut peut-être encore secondé par
ce Pirgotele qui, dans le tympan de la porte principale, sculpta la Madone avec
1’ Enfant qui lui pince en badinant le pouce de la main gauche (v. PL 28 fig. 1 ).
Motif gracieux qui fut aussi traité par la peinture; par exemple dans un tableau
( v. PI. fig. 2 ) attribué à Pier Maria Pennachi (‘) qui, pour cette même Eglise,
eut à peindre la voûte et le buffet d’orgue.
Le marbre de Pirgotele trahit le sculpteur qui cherche désormais l’inspi
ration dans 1’ art antique, et malgré certains défauts anatomiques de l’Enfant,
c’ est encore une œuvre remarquable surtout par la pureté des traits féminins
et par la large et nette exécution.
Sur une petite plaque de marbre scellée au fond du tympan on voit gravé
en lettres suffisamment grandes le nom de PYRGOTELES; mais, le lecteur
l’a déjà deviné, ce n’était là qu’un surnom par lequel l’artiste delà Renais
sance voulait rappeler, certes avec peu de modestie, le célèbre glyptographe
grec du temps d’Alexandre le Grand.
Pomponio Gaurico, écrivain contemporain, à propos des plus célèbres
sculptëurs du XV e siècle, dit de Pirgotele qu’il travailla pour l’Église des
Miracles : Clarus est mastigophoro illa sua Venere nostre Pyrgoteles ( 2 ). Quel a été
le sort de cette œuvre si estimée, je n’ ai pu le savoir; mais à en croire Mar-
cantonio Michiel et d’après les documents découverts par Gonzati ( 3 ), on voit
qu’il était l’auteur de la statuette de S. Justine qui se trouve sur un bénitier
exécuté par Giovanni Minello et Francesco da Cola dans l’Église du Saint à
Padoue. Cette figure fut sculptée en 1513 pour 50 ducats, y compris le marbre,
et sur le contrat l’auteur est appelé Magister Johannes Georgii dictus Pirgoteles
sculptor. Le travail, quoique détérioré, a plus que jamais les caractères d’une
imitation de l’antique et, malgré le défaut d’expression, n’est pas sans mérite,
étant donné 1’ élégance des proportions et une certaine largeur de manière.
Il exécuta en outre le lion ailé pour la grande colonne que la Seigneurie
de Venise fit élever en 1524 à Vérone sur la Place delle Erbe. En 1797 le lion
( 1 2 3 ) Texte It., p. 217.