LA RENAISSANCE.
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des gradins le regard tombe sur le pavé et du simple pavé de la pièce il court
à celui bien plus somptueux qui la précède et sur lequel le visiteur a déjà passé
( v. PI. 12 ).
Dans cette partie, la plus remarquable du pavé, sont répétées les croix
grecques composées d’entrelacements à la byzantine renfermant disques et
plaques de marbre précieux et spécialement les plus belles variétés d’albâtres
malheureusement très détériorés. Et sur d’autres points les dégâts ont été tels,
qu’ on a peine à discerner les traces de certains ornements dessinés au trépan
et un symbole funéraire représentant une tête humaine surmontée d’ailes dé
ployées ; et en outre il reste aujourd’hui peu de chose des nielles primitifs à
mastic, du contour et des bandes dans lesquels sont insérés les champs de
violet avec les croix.
Ce genre de niellure était à cette époque très en vogue et non seulement
dans la décoration des édifices, comme dans l’intérieur du Palais Ducal, dans
1’ Église de San Giobbe, dans la Scuola de Saint-Jean 1’ Évangéliste, dans la
façade du palais Trévisan-Cappello; mais encore dans les sceaux funéraires.
Des artistes de renom ne dédaignaient pas de mettre la main à ces travaux,
nous en avons de nombreux exemples et je citerai entre autres le tom
beau de Lodovico Diedo aux Ss. Jean-et-Paul, où 1’ on voit, outre les riches
ornements de contour, deux amours tenant un riche écusson et des hastes avec
heaumes à lambrequins et autres décorations somptueuses; ce travail exécuté
peu après 1466 accuse avant tout les manières toscanes. Lombardesques et pos
térieurs d’une trentaine d’années sont au contraire les délicats ornements des
belles pierres de Giovanni Canal et de Gaspare délia Vedova enterrés dans l’am-
bulacre de S. Zacharie.
On peut encore avoir aujourd’hui une idée du pavé primitif de la nef de
S.Marie-des-Miracles dans certains espaces encore encombrés de nombreux sceaux
funéraires qui y ont été successivement déposés; et si dans la forme ou dessin
(parfaitement respecté dans les dernières restaurations) il n’offre rien de no
table, néanmoins celui qui désire se former un critérium de la variété des mar
bres employés alors dans ces travaux, trouvera sans doute de quoi se satisfaire.
D’ après la Croniçhetta citée plus haut, les procurateurs de la fabrique
commandèrent à Pietro Lombardo, en même temps que la chapelle, le projet
de la voûte de V Église, laquelle plut à tous une fois achevée, et en conséquence
le 16 Février 1484 (ou 1485) ils lui confièrent la direction de tous ces travaux.
Nous avons vu de quelle façon l’architecte sut développer sa pensée rela
tivement au chœur; mais pour ce qui concerne le plan de la voûte, il avait le
champ beaucoup moins libre, car cette partie ne pouvait pas ne pas être étroi
tement subordonnée au corps de l’Église déjà élevé et à certaines conditions