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SECONDE PARTIE
Graves ont été les dégâts et les altérations apportés par le temps et
spécialement par la fumée ( l ) à toutes les peintures de cette voûte.
Et à voir aujourd’ hui le sombre plafond qui domine la nef, l’esprit a
peine à se représenter, même d’une manière très imparfaite, ce qu’ étaient cet
ouvrage et l’intérieur du monument, il y a quatre cents ans. Alors le léger
azur des fonds, le brio et la transparence des autres couleurs et des teintes,
et le miroitement de 1’ or répandu sur cette ample voûte, devaient merveilleu
sement se marier avec les délicates veinures des marbres violets, avec la vi
vante polychromie des précieuses patères, avec les gracieuses formes et les
demi-transparences de 1’ albâtre des nombreuses et fraîches sculptures et déco
rations, -¡avec les élégantes sacomes çà et là resplendissantes d’or, et enfin avec
les reflets et les bigarrés faisceaux de lumière tombant des vitraux historiés
du sanctuaire.
Pendant la période de la Renaissance la peinture sur verre fut tenue en
très grand honneur à Venise et des nombreux ateliers muranais sortirent alors
des travaux de grande importance. Certainement dans un pays comme celui-ci
où la passion du luxe était arrivée aux dernières limites et précisément lorsque
la peinture sur verre était le plus en vogue, on ne pouvait approuver chez
les architectes toscans leur intolérance pour ce système si vivace d’orner les
édifices sacrés. Aussi même dans notre Eglise des Miracles on ne voulut pas
se passer de ces éblouissantes peintures.
Malheureusement il ne reste plus aujourd’ hui en place qu’ une figure du
Christ dans la petite fenêtre derrière le tambour qui supporte la coupole, et
la verrière ( avec la Madone, l’Enfant et les anges autour) qui ornait la grande
baie du fond du chœur, a été brisée en 1862 par un ouragan ( 2 ).
A ce que m’ ont affirmé plusieurs vieillards habitués de ce sanctuaire, il
existait encore il y a une quarante d’années quelques morceaux de verre peints
dans 1’ une des fenêtres latérales de la Chapelle.
Entre autres choses qui ornaient autrefois cette Eglise, il ne faut pas oublier
les deux anciens fragments grecs de marbre avec quatre génies (v. PL 14 fig.
2 et 3), qui faisaient partie d’une frise représentant le trône de Saturne (ibid.
fig. 1 restauration d’après le monument existant au Louvre ) provenant de
l’Eglise de S. Vital de Ravenne, où 1’ on voit dans le chœur 1’ autre de
mi-relief original avec le trône de Neptune reproduit en outre à la place
du premier. Ces fragments qui se trouvaient déjà à Venise en 1335 ( 3 ) furent,
on ne sait quelle année, fixés dans les vieilles maisons du fond la Place de
S. Marc à l’entrée de la Frezzeria, et le 30 novembre 1532, avant d’abattre
ces immeubles, la Seigneurie enjoignit à Jacques Sansovino de les enlever et
de les mettre ensuite dans la Bibliothèque que cet architecte devait construire ( 4 ).
(i 2 3 4) T e X te lt., p. 220.