LA RENAISSANCE.
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Et c’ est en cette circonstance, je le crois du moins, qu’ ils furent au contraire
transportés à S. Marie-des-Miracles dont on était sans doute alors en train de
compléter les revêtements de marbre de la nef.
En 1581 Francesco Sansovino décrivant ce lieu rappelait que « les amours
» de marbre placés sous 1’ orgue, de la main de 1’ ancien Praxitèle, avaient été
» apportés de Ravenne à Venise longtemps auparavant (*) ». Et ils restèrent
dans cette Eglise jusqu’en 1811, année où ils furent transportés au Musée Ar
chéologique du Palais Ducal.
Ces merveilleux fragments, postérieurs de trois siècles au grand sculpteur
athénien auquel plusieurs les ont attribués, doivent avoir beaucoup servi de
modèles à certains maîtres de la Renaissance et même aux Lombardi, qui, à
mon sens, s’ en inspirèrent heureusement pour le beau piédestal d’un bénitier
de S. Marc (v. fig. 14}). Piédestal où beaucoup voient une œuvre antique et
que je crois exécuté dans 1’ atelier de Pietro peu de temps avant i486, année
où son nom figure même sur les comptes de cette Basilique, dépourvue malheu
reusement des registres antérieurs ( 2 ).
En 1885, pendant les restaurations du pavage de la nef de S. Marie-des-Mi-
racles, le père de 1’ auteur voulant remplacer une dalle de marbre ( 1 m. 875
X o m. 82) brisée en 7 morceaux qui recouvrait la tombe de D. Michèle Fiorini
chapelain de cette Eglise et curé de S. Marina, mort en 1670, découvrit sur le
revers du sceau un bas-relief représentant la Dernière Cène, malheureusement
en partie mutilé pour être adapté à 1’ ouverture du tombeau ( v. PI. 34 fig. 8).
La composition est empruntée au même sujet si connu peint par Léonard
de Vinci dans le Réfectoire de S. Marie-des-Grâces à Milan. Mais si, à cause
des exigences du travail de sculpture, les figures ont été faites plus rapprochées,
par contre la manière de grouper et la pose des divers personnages ne diffèrent
guère de 1’ original dont le sculpteur ne put peut-être pas directement s’inspirer.
Le bas-relief, demeuré incomplet on ne sait pour quelle raison, et qui à
1’ origine devait avoir en longueur environ 2 m. 30, contribue toutefois à nous
faire mieux connaître le procédé technique de 1’ exécution, et il est à remarquer
que 1’ artiste réservait pour le dernier le sujet principal.
Le type des têtes, la forme et une certaine raideur des extrémités, les
lignes classiques et fines des draperies et la manière de traiter le marbre
témoignent clairement de la parenté et du synchronisme de cette sculpture
avec la pala de marbre des Apôtres à S. Jean-Chrysostôme (v. PL 117) sculptée
par Tullio Lombardo au commencement du XVI e siècle. Que cette faible re
production du chef-d’ œuvre de Léonard de Vinci, répété encore par un autre
sculpteur lombard dans la Chartreuse de Pavie, fût destiné au fronton de
1’ autel Bernabè ou à 1’ Eglise de S. Marina, ou au réfectoire des Religieuses
(• 2 ) Texte It., p. 220.