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SECONDE PARTIE
Brenzoni dans la ville natale de Rizzo, et à Venise dans l’Église des Frari,
celui du Bienheureux Pacifique (').
Tandis que dans la partie supérieure du mausolée Tron, le Père Éternel
sur le sommet du grand arc et aux côtés l’ange Gabriel et l’Annonciation dé
signent ensemble la Résurrection comme l’alpha et l’oméga de la vie du
Christ et expriment par conséquent une idée éminemment chrétienne, les nom
breuses autres figures représentent au contraire une pompeuse ou prétentieuse
allégorie à l’éducation, aux œuvres, aux vertus et à la noble famille du Doge
que le sculpteur a placé sur un sarcophage décoré avec idée et formes abso
lument païennes, avec statuettes et avec guirlandes qui encadrent des médail
lons ayant des effigies rappelant la mère des Gracches et la famille des
Césars.
Malipiero, dans ses Annali Veneti ( 2 ), affirme que le Doge Tron « était
laid de figure » et que son image fut sculptée en marbre dans la partie infé
rieure du monument (v. fig. 6), telle gu’ on la voit représentée sur les mon
naies tant recherchées qui portent son nom et furent frappées sous son admi
nistration. La tête expressive est modelée par un artiste exercé avec une scru
puleuse exactitude, et jusque sur les mains s’accuse nettement 1’ étude du vrai
soit dans le tissu des veines soit dans la forme des phalanges. Cette figure,
par la manière dont sont traités les linéaments, la barbe et les extrémités, a
des analogies avec celle du Doge Agostino Barbarigo qui se trouve aujourd’hui
dans la sacristie de l’Eglise de la Salute (v. fig. y).
Dans la statue de Tron, le sculpteur n’ a eu recours à aucun expédient
ou artifice conventionnel et il en résulte une œuvre qu’ on peut appeler ori
ginale. Originalité ou simplicisme de portrait quattrocentiste qui a même été
poussée trop loin dans les vêtements et qu’on eût pu esthétiquement animer
par une ligne quelconque ou draperie moins pauvre ou plus libre. A l’ori
gine l’impression vériste de cette figure devait être encore plus forte, grâce
surtout aux ornements richement dorés des habits, dont le dessin n’a pas
entièrement disparu.
Mais je retrouve la main de Rizzo, et cela aide aussi beaucoup à identi
fier cet artiste avec l’Antonio Bregno de Sansovino, surtout dans la statue en
marbre à droite du Doge, laquelle représenterait la Charité (v. fig. 8). Et
en effet quoiqu’elle soit drapée et d’allures un peu différentes, on y retrouve
la même forme de corps féminin que dans l’Ève du Palais Ducal. On ren
contre encore d’autres ressemblances dans les détails de ces statues, ainsi
par exemple, dans la structure du crâne, dans les traits du visage et la forme
des mains, spécialement dans les petites phalanges qui se plient en sens con
traire à la paume, c’est-à-dire en opposition des tendons du système nerveux.
C 2 ) Texte ït., p. 142 et 143.