LA RENAISSANCE.
207
Ainsi dans la statuaire apparaît manifestement l’intention de perfectionner
la forme par l’étude presque exclusive des archétypes grecs, chose d’ailleurs
naturelle, puisque les fragments et les modèles en étaient nombreux à Venise
et sur tout le territoire de la République.
Du reste, dans ce monument la tendance à l’antique dépasse le but, et le
sculpteur, laissant trop en seconde ligne le vrai, s’arrête à un type conven
tionnel, le caresse, se répète et déjà commence à se montrer insipide et mo
notone.
Parents de Pietro Lombardo ou plutôt descendants de la même souche
étaient les frères, Andrea peintre et Cristoforo Solaro, dit le Gobbo, éminent
sculpteur et architecte, qui travaillèrent tous deux à Venise. Le dernier se ren
dait dans cette ville vers 1489 et y dessinait et sculptait l’autel et les ornements
de la Chapelle de S. Georges dans l’Église de la Charité. Voici en quels
termes, après Michiel, Sansovino parle de ces travaux : « la pala de S. Georges
» en marbre, rattachée à un très bel autel avec riches et nobles colonnes, fut
» l’œuvre de Cristoforo Gobbo, architecte Milanais, par ordre de Giorgio
» Dragano (*) ».
De cette Chapelle déjà commencée en 1489 (*) et en grande partie con
struite en 1499, quand mourut Dragan ordonnant de l’achever ( 3 ), nous n’avons
plus rien aujourd’hui et il n’y a rien non plus à Venise qui rappelle ce grand
maître. Toutefois, par la comparaison de quelques autres sculptures, je crois
deviner sa manière dans une belle tête de Christ, qui se trouve aujourd’ hui
sur l’un des baroques autels de l’Église de S. Pantaleone (y. fig. 163).
Lomazzo, dans ses Grotteschi édités à Milan, rappelant cet artiste par les
vers :
Cristofor Gobio
Vedi sculptore egregio a’ tempi nostri
Del quai Vinegia tien l’antica madre (*)
pourrait faire supposer qu’il exécuta ici encore une statue d’Eve, qui, suivant
une opinion émise par quelques-uns, serait celle qui ornait la niche à droite du
monument Vendramin.
Je connais la statue congénère (v. fig. 164) que, en même temps que l’Adam,
Cristoforo Solaro sculpta dans les premières années du XVI e siècle pour le
Dôme de Milan; mais par rapport au susdit mausolée nous n’avons aucun
moyen de comparaison, car l’Ève que Ton voit aujourd’hui au palais Vendra
min, n’est qu’une reproduction gauche exécutée par un baroque décorateur, lequel
du travail de la Renaissance n’a guère rappelé que la pose empruntée de quel
que Vénus antique sur le type de celle du Capitole.
(12 3 4) Texte it. ( p , 233 et 234.