LA RENAISSANCE.
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Du reste la statue de la Charité n’a ni le sentiment ni la spontanéité
naturelle de celle d’Ève, et j’y trouve au contraire une plus grande tendance
au classique qui apparaît surtout dans le profil du visage, dans les mains et
peut-être plus qu’ ailleurs dans la forme des pieds lesquels semblent stéréo
typés sur quelque chef-d’ œuvre antique. Les vêtements qui dans le haut par
la finesse et l’adhérence au tronc de la tunique relevée et en bas par les in
tervalles entre les plis abondants du manteau laissent ressortir le nu, sont en
certains endroits un peu tourmentés; caractéristique commune aux autres œu
vres de Rizzo et de la Renaissance, antérieures, contemporaines et même pos
térieures à ce monument.
Et c’est précisément, par l’analogie des draperies, par la légèreté des
proportions, par l’interprétation de la forme et le souffle vivant que j’y trouve
des éléments de parenté avec le ciseau de l’élégante statue de l’archange Ga
briel sur la porte de la Madone de l’Orto (v. P. I, pl. 25) et quoique à un
degré moindre, même dans les deux statues représentant la même scène qui
se trouvent sur l’entablement du maître-autel de S. Stefano.
Dans l’autre arche du tombeau Tron la figure symbolisant la Prudence
(v. fig. 9) est plus expressive et délicate, mais la tendance classique y est en
core plus manifeste soit dans la disposition et dans la direction plus rectiligne
des plis des vêtements, soit dans la forme, dans la manière de modeler la
tête, les bras et le tronc, qui à première vue donnent l’impression de certai
nes sculptures du XVI e siècle avancé. L’abdomen ou pour parler plus exacte
ment, le bassin, est encore ici plus ample, et les mains avec leurs attaches,
quoique exécutées avec plus de conventionnalisme, rappellent la droite d’Ève.
Il faut encore observer dans les deux statues du monument Tron, la fi
nesse de l’exécution, la morbidesse des chairs et la tournure de certaines par
ties qui dans la figure de la Prudence dégénèrent toutefois un peu en fai
blesse. Les autres (excepté l’ange, le défunt, la figure représentant l’harmo
nie, et le porte-écusson de gauche) manquent d’expression et appartiennent
aux travaux du genre décoratif. Dans les statues de femmes rangées dans le
dernier ordre de niches se trouvent, il est vrai, de bonnes extrémités et des
têtes sculptées avec certaine grâce, mais de haut en bas toutes de même type
et ressemblant à celle de la Charité. Vraisemblablement ces sculptures, quoi
que du même atelier, furent exécutées par des sculpteurs secondaires.
La fréquente répétition des lignes parallèles des draperies qui sur quel
ques-unes de ces figures ont quelque chose d’archaïque, semble encore révéler
l’esprit spéculatif d’un professionnel qui par l’imitation d’un modèle antique
a voulu se tirer plutôt à la hâte que d’une autre manière de certaines diffi
cultés; mais tombant par conséquent dans un excès d’uniformité ou de mono
tonie. Et c’est spécialement dans ces travaux décoratifs, et même dans l’ar