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SECONDE PARTIE
maestria du sculpteur à faire ressortir par une taille en creux accentuée les
masses principales modelées et particularisées au contraire avec la plus grande
sobriété de relief. De cette façon cette sculpture a tout 1’ aspect d’un bas-relief
d’un maître quattrocentiste sur lequel, en plus, le conventionnalisme classique
ne semble guère avoir eu prise; tel que devait être précisément Pietro Lom-
bardo, également reconnaissable au type ou au caractère des têtes et des extré
mités des quatre personnages agenouillés.
Mais si Lombardo ne fait ici directement aucun sacrifice à l’art antique,
cependant, par le motif et le modelé des draperies, il laisse voir l’iniluence des
dernières œuvres de son émule Rizzo, sans en atteindre toutefois l’éminente vitalité.
Là au contraire où je ne reconnais pas Pietro Lombardo, c’ est dans la
forme peu élégante et dans le modelé insipide de P Enfant, et d’une certaine
façon aussi dans la tête et dans la main droite de 1’ Enfant. Aussi suis-je forte
ment tenté de croire que ces dernières parties ont été menées à terme par
quelque autre maître, peut-être après la mort de Lombardo (1315).
Je n’ai pu découvrir aucun document relatif à ce travail, et par consé
quent je ne saurais préciser quand il fut commandé par le Doge Lorédan dont
les armoiries se trouvent sur les gradins du trône, mais ajoutées.
Cette particularité qui ne prouve rien a fait croire à quelques-uns qu’il y
eut d’abord à cette place les armoiries d’un autre prince, c’ est-à-dire de Marco
ou d’Agostino Barbarigo dont on aurait dû d’ailleurs retoucher le portrait.
Conjecture captieuse qui, en dehors d’autres motifs, ne peut tenir debout,
car elle impliquerait une injure de la part du Doge Lorédan à la mémoire
de 1’ un de ses prédécesseurs.
Quelques-uns attribuent encore à Pietro Lombardo le bas-relief en marbre
avec la Madone, l’Elnfant et deux anges dans le fond, exécuté pour 1’ Officio
del Formento et qui se trouve actuellement à l’extrémité de la loggia vers le
Môle ( v. PL 61 ).
Composition gracieuse et remarquable en outre par la douce expression
des figures, par l’habileté avec laquelle a été gradué le relief par rapport aux
divers plans, par la bonne disposition des plis du manteau de Marie et par
le soigné du travail; mais qui dans la forme laisse quelque peu à désirer; ainsi
dans le corps et dans les jambes de l’Enfant, dans la structure des crânes
( dolichocéphales ) et dans les yeux et dans les paupières supérieures un peu
trop grandes et saillantes qui, dans la Madone, rappellent jusqu’ à un certain
point l’Eve de Rizzo. On constate en outre une certaine raideur dans les
emmanchements, et dans les mains l’on voit, comme une caractéristique opposée
au vrai, la déviation de la petite phalange de 1’ auriculaire, chose qu’ on ne
rencontre jamais chez Pietro Lombardo. Le même défaut se remarque encore
dans les deux statuettes latérales.