LA RENAISSANCE.
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nise et dans les villes voisines, mais qui d’ailleurs ne font pas défaut dans
les îles, dans les pays d’outre-mer autrefois sous la domination ou le gouver
nement de la République, où le faible goût local finit par céder au goût fas
tueux des Vénitiens qui en formaient la classe dirigeante.
Et il y a beaucoup d’édifices, surtout du XVI e siècle, dont on cherche
rait en vain les architectes parmi ceux à qui la pratique de l’art avait donné
le titre de maîtres, et qui au contraire furent conçus et encore dessinés par
les propriétaires eux-mêmes, par les patriciens qui trouvaient dans l’étude
des œuvres de l’antiquité, dans les évocations Vitruviennes, une source inta
rissable de jouissances intellectuelles. Théoriciens ou doctrinaires qui contri
buèrent puissamment à étouffer la féconde spontanéité artistique de la Renais
sance. Ces patriciens étaient Gabriele Vendramin, Francesco Zeno, Marcantonio
Michiel et Lodovico Corner, très forts, selon le mot de Sébastian© Serlio, nelle
dottrine del principe delV architectura et consommés nelle antiquità.
Tel était également, croit-on, ce Frà Gabriele délia Volta (élu Général
des Augustins en 1519) dont le nom se trouve fréquemment gravé dans S. Ste-
fano et qui, après l’incendie de 1528, fit reconstruire le premier cloître (ter
miné en 1532) contigu à cette Église (v. fig. 245).
Toutefois Selvatico faisait observer avec raison que cet édifice était célèbre
dans l’histoire de l’art, non par les mérites de son architecture, mais par
les fresques de Pordenone, dont il reste encore aujourd’hui quelque trace.
Dans les lettres adressées en 1550 par Pietro Bembo à Frà Gabriele, let
tres où il loue l’œuvre, sans même l’avoir vue, (œuvre pour laquelle presque
tout le jour il s’aggirava tra marmi et pietre et architetti et muratori), figure même
l’inscription composée par le premier pour la frise de la cour où, comme il
le constatait, le mot Magister correspond à Generalis (*).
Je reviens à nos Églises, où les maîtres de la Renaissance eurent tant à
déployer d’activité, et, à propos d’œuvres de maîtres inconnus, je citerai quatre
statuettes de marbre (v. fig. 255, 256, 257 et 258) faisant à l’origine partie de
quelque autel et qui se trouvent aujourd’hui sans aucune indication de pro
venance dans les dépôts du Palais Ducal. Figures qui n’ont à Venise aucune
analogie artistique avec d’autres travaux et auxquelles on peut reprocher
de grands défauts dans les proportions, mais qui toutefois, malgré quelque
tentative d’expression des visages manquée, accusent la primitive ingénuité
d’un quattrocentiste.
Quoiqu’ il en soit, la possession de ces sculptures ne peut compenser la
perte faite dans ce siècle de plusieurs importants souvenirs du Palais Ducal
( 1 ) Texte It., p. 295.