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SECONDE PARTIE
œil de la façade principale, il y a peu de chose à dire; je rappellerai seulement
que jadis, même dans le haut de la muraille septentrionale delà grande nef,
étaient quatre fenêtres lesquelles ont été aveuglées par suite des continuels
dégâts produits par les intempéries auxquelles est directement exposé ce site.
La façade de S. Michel offre le premier exemple dans les lagunes de
1’ architecture de la Renaissance adaptée aux édifices sacrés, et la forme cur
viligne donnée aux couronnements des trois compartiments qui correspondent
aux subdivisions intérieures, a depuis servi de prototype aux autres monuments
religieux, tels que les Eglises de S. Zacharie (v. Partie 1, pl. 27), de S. Jean
Chrysostôme et de S. Félix ( v. fig. 31 ).
Cette préférence pour la ligne courbe semble avoir influé sur les façades
de la première cour de la Scuola de S. Jean l’Evangéliste ( v. pl. 70 fig. 1),
de 1’ Oratoire de S. Marie-des-Miracles ( v. Partie 11 pl. 5), de la vieille Eglise
de S. Roch {v. fig. 32) et de la Scuola grande de Saint-Marc ( v. Pl. 96). Pré
dominance et abus même de la courbe dont le grand développement s’ explique
par le milieu si riche en réminiscences byzantines et orientales et qui, on peut
le dire, a à S. Marc, dans la Basilique d’or, son expression traditionnelle la
plus achevée.
On ne saurait du reste conclure de ceci que Moro ait cherché de propos
délibéré à concilier à S. Michel le goût ou les tendances spéciales des Vénitiens
avec les sources classiques de la Renaissance et même que cette particularité
caractéristique soit un concept qui lui appartienne. Et elle procède, sinon par
voie directe d’imitation, du moins par inspiration, des œuvres d’un grand inno
vateur qui fut Leone Battista Alberti, ou, pour être plus exact, de 1’ étude des
constructions ou des projets conçus par cet architecte, et peut-être surtout du
plan de la façade du fameux temple des Malatesta (Eglise S. François) de
Rimini, dont il existe un souvenir dans la médaille exécutée en 1450 par le
Véronais Matteo dei Pasti ( v. Pl. 143 fig. 1). Là les lignes de couronnement
sont tournées dans la même forme qu’ à S. Michel.
Il est vrai que dans le projet d’Alberti 1’ archivolte médiane devait cor
respondre et dépendre d’une construction différente et comme dans les autres
édifices, inspirée des arcs de triomphe romains; mais, je le répète, les lignes
extérieures sont évidemment les mêmes.
La façade de 1’ Eglise de S. François à Rimini ne pouvait être achevée
et je ne sais si Moro put avoir sous les yeux, à Rimini ou ailleurs, le modèle
ou dessin, ou encore quelque reproduction d’un projet si connu. Il lui était au
contraire bien plus facile d’avoir entre les mains 1’ une des médailles rappelant
ce monument, dont l’auteur, qu’on y fasse attention, était parent d’un certain
Giacomo dei Pasti qui exerçait, lui aussi à Venise, le métier d’orfèvre (*).
( 1 ) Texte It., p. 170,