COMPARAISON DES SENSATIONS AUDITIVES ET VISUELLES.
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vibratoires distinctes? Ou tient-il au pouvoir absorbant très étendu,
à la transparence très élective, des milieux de l’œil? Les physiolo
gistes ne le savent, sans doute, pas bien encore. Peut-être y a-t-il
tout à la fois, à ce fait capital, l’une et l’autre causes, qui ne sont
probablement pas de trop pour donner à notre vue une précision
suffisante, en atténuant dans une mesure nécessaire, ou en réduisant
à de justes limites, la variété déjà si effrayante non seulement des
ébranlements vibratoires que reçoit l'œil, mais même de ceux que la
rétine transmet au cerveau.
Le nombre et, par suite, le rapprochement des périodes existant
dans la lumière blanche sont, en effet, prodigieux. Aussi n’est-on
nullement surpris que l’œil soit incapable d’y en discerner aucune,
ou d’imiter l’ouïe, appréciant la composition musicale des sons. Quant
aux lumières simples, les occasions de les observer sont si rares dans
la nature, qu’il n’a pas eu non plus, faute soit d'adaptation native,
soit d’éducation, à leur attribuer, comme aux sons, une sorte de
hauteur. Car la couleur qu’elles ont leur est commune avec bien des
lumières composées et ne paraît pas, dès lors, être une qualité abso
lument liée à la période, ou analogue à la hauteur en Acoustique.
Il n’v a probablement pas, à cette absence de sensation des périodes
par l’œil, l’unique motif du manque d’exercice, c’est-à-dire du défaut
d’occasions où il pourrait observer des lumières assez peu complexes
pour faciliter son initiation à leur analyse, mais aussi une raison plus
profonde. Telle serait, notamment, la nécessité d’assurer avant tout
l’achromatisme, si indispensable à la netteté des perceptions. Tels
seraient, peut-être aussi, les inconvénients qu’aurait pu avoir, pour
l’être vivant, une pareille faculté d’analyse, même localisée dans un
appareil accessoire et rendue ainsi compatible avec l’achromatisme
de l’organe principal. Car les physiciens ont constaté que l’obser
vation des lumières simples, des couleurs spectrales, fatigue très ra-
pi dement la vue : ce qui porterait à penser que la présence, dans l’œil,
de fibres propres à décomposer la lumière, ou à rendre possible la
perception de ses éléments, donnerait peut-être lieu à la production
constante de cette fatigue et amènerait la cécité, ou, tout au moins,
l’atrophie de l’organe accessoire d’analyse dont il s’agit. La formation
de celui-ci serait, dès lors, irréalisable.