272 MÉMOIRES SCIENTIFIQUES DE PAUL TANNERY.
m’inspirassent des doutes sérieux, du moment où ce texte était
présenté comme collationné sur trois manuscrits du Vatican, et
où la Bibliothèque Nationale n’avait de copies que de deux de ces
manuscrits, je restais dans l’incertitude sur l’origine et la valeur
de ces leçons propres à Auria. Les avait-il empruntées au troi
sième manuscrit du Vatican? Les avait-il tirées d’un manuscrit
lui appartenant en propre, manuscrit qu’il serait possible de
retrouver? Y avait-il lieu, dans ce cas, de constituer une troi
sième classe, correspondant à ces leçons spéciales?
Je ne commençais enfin mon voyage qu’après avoir réuni de
nombreux documents de toute sorte, dont l’étude m’avait conduit
à formuler diverses conjectures. J’ai été assez heureux pour pou
voir en vérifier la plupart, et n’avoir guère à modifier les autres ;
mais, je dois le dire avant tout, je n’en ai pas moins éprouvé
une singulière déception, en constatant que les plus anciens
manuscrits de Diophante en Italie sont postérieurs de deux ou
trois cents ans à la date que leur assignaient les notices que j’en
avais. Aucun de ceux qui sont complets ne remonte au delà du
quinzième siècle. D’autre part, la collation complète de A et de B
m’a prouvé qu’en réalité ces deux manuscrits diffèrent sensible
ment moins entre eux que les représentants de leurs classes à
Paris. Abstraction faite des deux premiers livres, ils sont même
tellement voisins que leurs rares divergences atteignent au plus
celles qui existent en moyenne entre deux manuscrits directe
ment copiés sur un même prototype.
Quant au texte d’Auria, dont il existe un autre exemplaire à
Milan, je me suis assuré que les leçons spéciales qu’il donne ne
proviennent d’aucun des trois manuscrits du Vatican. Auria pou
vait donc avoir un manuscrit à lui, comme me l’indiquait Pex-
pression : in nostro codice qu’il emploie parfois 1 . Cette expression
1. Si toutefois cette expression n’est pas du fait du copiste, Sainte-Maure,