MEMOIRES SCIENTIFIQUES DE PAUL TANNERY.
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Une autre légende, plus consistante malgré l’invraisemblance
de certains détails, rapporte l’origine de la géométrie à l’ancienne
école pythagorienne et en particulier à Pythagore lui-même ; car
les membres de l’école semblent s’être assez bien accordés pour
faire remonter jusqu’au maître nombre de connaissances dont
l’acquisition paraîtrait plutôt avoir exigé les efforts de plusieurs
générations. D’après les notices que Proclus (dans son Commen
taire sur Euclide, écrit au cinquième siècle de notre ère) a dû
emprunter à Geminus {Théorie des mathématiques, ouvrage perdu
composé vers la fin du premier siècle av. J.-C.) et que celui-ci
avait tirées de VHistoire géométrique d’Eudème de Rhodes, disci
ple immédiat d’Aristote, on attribuait aux Pythagoriens, vers la
fin du quatrième siècle av. J.-C., un ensemble de théories qui ne
remplit pas tout à fait le cadre des Eléments d’Euclide, mais qui
le dessine suffisamment et qui comprend notamment la recon
naissance de l’existence des quantités incommensurables et la
construction des cinq polyèdres réguliers. D’autre part, d’après
Jamblique 1 , ces deux découvertes capitales auraient été publiées
par Hippasos, disciple immédiat de Pythagore, et on lui en aurait
attribué la gloire ; mais il aurait péri dans un naufrage, en puni
tion de l’impiété commise en révélant ce secret. Si cette légende
est plus que suspecte à divers titres, elle atteste au moins la
croyance générale à l’antiquité des découvertes. Il semble en tout
cas qu’Eudème avait réellement entre les mains une ioTopta 7tpoç
nuôayopou (tradition venant de Pythagore) qui traitait de la géomé
trie et qu’il considérait comme antérieure aux écrits d’Hippocrate
de Ghios. Une autre légende pythagorienne i. 2 , supposant égale
ment l’invraisemblable secret primitivement imposé aux membres
i. V. P , 88.
a. Jamblique, V. P., 89.