476 MÉMOIRES SCIENTIFIQUES DE PAUL TANNERY.
De même que pour l’ancien sage de Samos, une légende se
forma plus tard sur le nom de Platon, dont on fit le chef d’une
véritable école scientifique, les géomètres de l’Académie. Il est
certain que Platon 1 montre pour les mathématiques pures une
prédilection très marquée, qu’il en recommande vivement l’étude
et que la tradition de considérer la géométrie comme une connais
sance indispensable au philosophe se perpétua dans son école.
Cette circonstance a eu une importance considérable, parce que
dans toute l’antiquité grecque après le quatrième siècle, et plus
tard chez les Romains, l’étude, plus ou moins approfondie, des
Eléments d’Euclide fit par suite nécessairement partie de l’édu
cation classique, et que dès lors, chez nombre de polygraphes
(Plutarque, par exemple), on rencontre des allusions à certaines
vérités géométriques ou même certains développements dont, de
nos jours, un écrivain du même genre s’abstiendrait soigneuse
ment. Mais s’il faut, d’après cette prédilection de Platon pour les
mathématiques, supposer qu’il était au courant de la science de
son temps, il y a loin de là à en faire un véritable mathématicien
et à lui attribuer un rôle réellement important dans les progrès
réalisés de son vivant. Des deux découvertes particulières qui lui
sont attribuées, par des témoignages d’ailleurs sans authenticité
suffisante 1 2 , une seule concerne la géométrie ; c’est une solution
mécanique du problème de la duplication du cube, assez élégante,
mais précisément contraire au rôle que lui donne la légende
(l’autre est une généralisation facile d’une proposition arithmé
tique attribuée à Pythagore). Quant à l’analyse géométrique, il
n'en est certainement pas l’inventeur, car dès que l’on a cherché
à résoudre des problèmes de géométrie, on a fait de l’analyse.
1. Républ., VII.
2. Eutocius, In Arch., éd. Heiberg, p. 66; Héron Alex., Geometria, i3.