62. RELIGION DES DERNIERS MATHEMATICIENS DE l’ANTIQUITÉ. 537
de Diophante, c’est qu’il pose tous ses problèmes numériques
(sauf un) sous une forme abstraite et qu’il rompt ainsi avec la
tradition d’en envelopper les énoncés sous forme d’historiettes,
comme celles des épigrammes de l’Anthologie, du célèbre pro
blème des bœufs d’Archimède, enfin du problème V, 33 de Dio
phante lui-même. Comme cette tradition s’est perpétuée bien
après lui, qu’elle était ceriainement bien assise auparavant, on ne
voit guère le motif qui lui a fait renoncer à un moyen de donner
quelque attrait pour les profanes aux calculs abstraits qu’il déve
loppe. Sans doute sa méthode gagne ainsi en clarté à nos yeux
modernes; mais pour les anciens, habitués aux formes concrètes,
elle devait au contraire être plus obscure, ainsi que le prouve le
retour ultérieur à la vieille tradition.
Si l’on remarque que les historiettes employées pour les énoncés
étaient la plupart du temps coulées dans le moule mythologique,
on comprend que, si l’ouvrage a été en réalité destiné à des étu
diants chrétiens, Denys et Diophante aient désiré écarter cet atti
rail choquant à leurs yeux. Ce serait un cas où les scrupules reli
gieux auraient efficacement contribué au progrès de l’abstraction
scientifique.
7. Je ne crois pas devoir essayer de remonter au delà de Dio
phante; au deuxième siècle, le fait qu’un savant spécial aurait été
chrétien ne serait évidemment qu’un accident; il n’aurait pas, il
me semble, la portée des rapprochements que j’ai tentés.
Je me borne donc à une courte remarque; un des écrits de
géométrie qui nous sont parvenus sous le nom de Héron 1 se
trouve dédié à un Dionysios, de même que les Arithmétiques de
Diophante. A une époque où tout le monde était encore d’accord
1. Heronis definitiones nominum geometriae, pp. i-4o de l’édition pré
citée de Hultsch.