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NOTICE BIOGRAPHIQUE
« Mon cher Sadi, j’ai appris avec un plaisir extrême que le bataillon
de l’École Polytechnique s’est distingué, et que tu as fait tes premières
armes d’une manière honorable. Lorsque je serai rappelé, je serai fort
aise que le Ministre de la Guerre t’accorde la permission de venir me
chercher. Tu apprendras 'a connaître un beau pays et une belle ville,
où j’ai eu la satisfaction de me maintenir tranquillement pendant les
désastres qui ont accablé tant d’autres endroits. »
Sadi en effet, la paix étant signée, alla rejoindre son père à Anvers,
et rentra en France avec lui.
Au mois d’octobre, il quitta l’École Polytechnique, fut classé le
sixième sur la liste des jeunes gens destinés au service du génie, et se
rendit à Metz comme élève sous-lieutenant à l’École d’application.
Plusieurs travaux scientifiques qu’il y rédigea eurent un certain succès;
on cite particulièrement, comme fort ingénieux, un Mémoire sur
l’instrument d’Astronomie et de Géodésie appelé théodolite.
Je tiens ces détails de M. Ollivier, qui était de la même promotion
que Sadi, et qui fut plus tard un des fondateurs de Y École Centrale.
Parmi ses autres camarades, outre M. Chasles, le savant géomètre que
j’ai nommé tout à l’heure, se trouvait aussi le général Duvivier, regret
table victime de l’insurrection de juin 1848; je dois mentionner encore
M. Robelin, l’ami le plus intime de Sadi, qui vint le soigner avec moi
durant sa dernière maladie, et qui publia sur lui une Notice dans la
Revue encyclopédique, t. LV.
Les événements de 1815 ramenèrent le général Carnot sur la
scène politique pendant les Cent-Jours, terminés par une nouvelle
catastrophe.
Ce fut pour Sadi l’occasion de faire une épreuve des hommes,
dont il ne parlait pas sans dégoût : sa petite chambre de sous-lieute
nant reçut la visite de certains officiers supérieurs, qui ne dédaignaient
pas de monter trois étages pour saluer le fils du nouveau ministre.
Waterloo mit fin à ces empressements. Les Bourbons rétablis sur
le trône, Carnot fut proscrit et Sadi envoyé successivement dans plu
sieurs places fortes pour y faire son métier d’ingénieur, compter des
briques, réparer des pans de murailles et lever des plans destinés à
s’enfouir dans les cartons. Il le fit d’ailleurs consciencieusement et sans
perspective de récompense; car son nom, qui lui avait valu naguère