7^ NOTICE BIOGRAPHIQUE
Louvre et le Théâtre Italien autant que le Jardin des Plantes et le
Conservatoire des Arts et Métiers. La musique était chez lui presque
une passion; il la tenait peut-être de notre mère, excellente pianiste, à
laquelle Dalayrac et surtout Monsigny, son compatriote, avaient donné
des conseils. Non content d’être arrivé à une bonne exécution sur le
violon, Sadi avait poussé loin les études théoriques.
Son intelligence insatiable ne lui permettait d’ailleurs de rester
étranger a aucune branche du savoir : il suivait assidûment les cours
du Collège de France et de la Sorbonne, de l’École des Mines, du
Muséum et de la Bibliothèque; il visitait curieusement les usines et
s’initiait aux procédés de la fabrication : sciences mathématiques,
histoire naturelle, arts industriels, économie politique, il cultivait avec
une égale ardeur toutes ces connaissances. Je l’ai vu, non pas seule
ment pratiquer comme amusement, mais approfondir comme théorie,
la gymnastique, l’escrime, la natation, la danse et jusqu’à l’exercice
du patin. Dans ces choses mêmes, Sadi avait acquis une supériorité qui
étonnait les hommes spéciaux, quand par hasard il s’oubliait assez pour
en parler; car la satisfaction de son esprit était l’unique but qu’il se
proposât. 11 éprouvait une telle répugnance à se mettre en scène,
que, sans des conversations intimes avec un petit nombre d’amis,
ceux-ci eussent ignoré les trésors de science qu’il accumulait; ils n’en
ont même jamais connu qu’une faible partie. Gomment se détermina-
t-il à donner une forme à ses idées sur la puissance motrice de la
chaleur? Comment surtout se détermina-t-il à en faire confidence au
public? Je suis encore à me le demander, moi qui habitais avec lui le
petit appartement où notre père s’était confiné, rue du Parc-Royal,
pendant que la police de la première Restauration le menaçait. Préoc
cupé du désir d’être clair, Sadi me faisait lire des passages de son
manuscrit, afin de s’assurer qu’il serait compris par des personnes
vouées à d’autres études.
Peut-être une vie solitaire dans de petites garnisons, dans le cabinet
de travail et dans quelques laboratoires de Chimie, avait-elle augmenté
la réserve naturelle de son humeur. Cependant il n’était nullement
taciturne en petit comité; il prenait part volontiers aux jeux les plus
gais, s’abandonnait aux plus vives causeries : « Le temps qu’on passe à
rire est le mieux employé », écrit-il quelque part. Son langage était